jeudi 14 février 2008

Un sanctuaire belledonnien : le Merlet

La combe du Merlet, accessible depuis la commune de Saint-Alban-des-Villards est un beau sanctuaire belledonnien, havre de paix en semaine pour qui sait l'apprécier à sa juste valeur.

Ce mardi-là, j'avais beaucoup hésité sur l'itinéraire à choisir et je me suis dit qu'il valait le coup d'aller essayer ce secteur sans idées préconçues. "On va aller là et puis on verra bien ce qu'on fera". Ce que je souhaitais, puisque Fred m'avait donné carte blanche, c'était d'aller dans Belledonne. Retrouver ma chère Belledonne.

8h30, nous sommes sur le départ. Le Premier Villard n'est pas enneigé mais si on part du pont un peu plus loin, au pied de la combe, on trouve une large chemin enneigé, qui commence à devenir un peu une piste de bobsleigh par les passages.

Après cette introduction relativement efficace, nous passons devant l'Echaut, à 1500m, où nous entrons dans le vif du sujet, c'est à dire le monde minéral de Belledonne. La route d'alpage des Darves-Blanc, agriculteurs locaux, mène jusqu'aux Granges, postées sur un grand verrou plein d'arcos, à l'entrée de la combe proprement dite, où nous retrouvons une radieuse lumière. Il n'y a qu'un seul groupe avec nous, qui va au col. Devant nous, la pyramide du Grand Jarnalet, sommet peu connu sauf des skieurs à couloirs, déserté l'été.


Et nous voilà devant le "sanctuaire" du Merlet, sa combe, son col qui s'esquisse à droite et à gauche un autre col dont nous ne soupçonne pas pour l'instant le rôle qu'il va jouer dans notre rando.


Allez c'est parti pour le grand plat, ça se passe bien agréablement en fait. En plus, à notre gauche, nous découvrons une splendide et complexe montagne, les Rochers de Vallorin :

La partie gauche a quelque chose des Trélatêtes et la partie droite, subverticale fait un peu penser à la pointe de l'Observatoire, en moins compact mais bien plus raide, plus morcelée. Le tout culmine quasiment à 2600m.

Très vite, passant par des petits dévers nous arrivons dans le creux du vallon, au joli chalet de la vieille Route à 2000m. Nous sommes au pied du pic S du Merlet, au soleil, et au fond les Rochers des Pâtres à 2635m :


L'optique quand on découvre un secteur c'est de commencer par ses classiques. Ça permet d'avoir envie d'y retourner!! En face de nous, juste au-dessus nous tendait la main la pente E du col du Merlet :


Il commençait sérieusement à rôtir dans cette montée progressive et classique, de plus en plus raide, sans être bien raide. La neige, visiblement trafollée et croutée, commençait à décailler.


Une demi-heure plus tard, nous voilà aux côtés du cairn du col, dans un vent bien froid, à 2286m :


En face, nous voyons le vallon de l'Aulp du Pont dominé dans sa partie inférieure par la montagne de Périoule. A nos pieds, le large amphithéâtre où se trouve le refuge du Merlet à 1941m.

Il est seulement 11h40, allons-nous rentrer alors que nous avons du temps? Sur la carte je concocte un plan qui me semble assez sympa, faire le tour du Pic S du Merlet à notre gauche, en passant par le vallon de l'Aulp du Pont et en prenant un col nommé le col de la Colombière. Je persuade très vite Fred, surtout que le vent est un peu pénible et qu'on a pas trop envie de se farcir la neige croutée que l'on vient de monter.

Direction : le refuge du Merlet pour le picnic! La descente de l'autre côté fut en neige froide soufflée mais pas de croutée abominable, ça skie encore bien! La pente est assez progressive et puis les lumières, sont plus belles dans cette exposition, plus étalées, plus fines.


La descente fut rapide et très belle, face à un vent un peu costaud par moment, en témoigne la veste que Fred a sorti:


Dix minutes plus tard, nous voilà au refuge du Merlet ! Bien calfeutré sous la neige, notre petit refuge. Mais un coin hautement agréable pour le picnic!!

Il n'y a personne dans le secteur, le calme y est absolu, on se sent presque gêné de parler dans un sanctuaire pareil, un havre de paix où semble résonner une musique profonde qui se passe de commentaire.

Votre Serviteur:

Voilà devant le fond du vallon de l'Aulp du Pont, que nous allons rejoindre en traversée, dominé par le très beau Grand Morétan (2775m) :


Pendant cette traversée à contre-jour, nous admirons l'harmonie de ce vaste cirque, bien différent de celui du Merlet, car il est une enclave, c'est le moins qu'on puisse dire. Une enclave dans une enclave. Là où le discours est partout au désenclavement, dans une certaine norme d'accès, une banalisation, ici est un lieu hors-norme, objet de désobéissance de l'aventurier dans son plus grand rêve : une île déserte enclavée dont l'accès se mérite et où tout est découverte.

Il s'agit de bien scruter les raides pentes de gauche, en tenant un peu de distance, mais il n'y a pas de beaucoup de souci à se faire. Le fond du vallon, très plat (probablement un ancien lac, comblé sous ses sédiments) nous permet une ouverture où l'on distingue la Croix du Nivolet, la brume chambérienne, qu'on laisse bien tranquillement avec ses densités, ses tracas.


Nous arrivons dans le fond du vallon, dans un calme presqu'absolu, sous une lumière un peu lunaire.


Au-dessus de nous à gauche la grande pente dédoublée d'accès au lac de la Colombière. Celle de droite, la plus large et la plus directe, nous accueille en son sein.


En face, nous voyons le Pic des Grandes Lanches et le Col du Pertuis que nous avons visités en crampons en avril dernier.


Un puissant gendarme sous la pointe de l'Aulp du Pont est un peu le gardien de la pente:


La remontée très progressive de cette pente fut un splendide jeu de cache-cache entre les ombres étirées et les lumières soyeuses. Le vent nous brasse le visage, remuant une fine poudre, émoussant les contours de la pente. Toujours un calme de fond d'océan.


Nous arrivons au sommet du verrou, devant la cuve du lac de la Colombière, et devant nous, le col homonyme, qu'on atteint en traversée de droite à gauche.


La dernière montée fut plus fatiguante, car sous de fortes radiations et vu le trajet parcouru. Le haut était tout verglacé. Et nous voilà au col, à 2397m, en début d'après-midi, sous un soleil insistant.

Devant nous, la combe du Merlet qui va nous permettre le retour à la civilisation. Elle est déjà bien dans l'ombre, le soleil ayant si rapidement tourné.
Il semble qu'en dessous le passage soit plutôt raide, ou du moins un peu exposé. Je décide d'aller scruter, en traversée au-dessus d'une petite barre, et je trouve un goulet légèrement tracé juste à l'aplomb du col. Fred me rejoint, dans cette ambiance plus étroite et assez froide:


Voilà le goulet, rayé de pas de carres, avec au fond la combe et au loin la Vanoise, resplendissante de lumière.


La descente du goulet, à 35°, pas bien large se passa facilement en l'étroiture (2-3m) avec quelques pas de carres très simples.

Puis ce fut la grande pente froide, où nous trouvâmes des neiges délicates mais bien skiables : de la soufflée, de la poudre et de la croutée soit portante, soit facilement cassante. Et finalement le ski dans ce creux de vallon minéral appelé le Croza fut assez agréable en grande courbe.

C'est le moment de tourner à gauche sur le chalet de la Vieille Route. La boucle est bouclée. Nous retrouvons très momentanément la lumière:


Et c'est là qu'en traversée dans ces ombres étirées fut la croutée infâme redoutée, une vraie vitre, heureusement que sur des pentes faciles et avant que nous retrouvons la route d'alpage aux Granges qui est damée par les skieurs!

Avant de quitter la combe, on dit au-revoir au Merlet, notamment à son pic S, dont nous avons fait le tour en réalité :

L'ombre étend son empire sur le site alors que nous descendons tranquillement l'accès. Vers le bas, il s'agit de faire avec cette piste "bobsleigh" bien martelée et raclée par les passages. Jeu sportif, mais assez amusant en définitive, sauf pour les semelles!

Nous retrouvons un peu de lumière jaune aux abords du pont du Merlet, près du Premier Villard. Mission accomplie pour une rando franchement superbe, un vrai tour, comme c'est souvent les plus belles randos. Celle-ci devrait figurer parmi les plus esthétiques de l'année, je pense!

merci à Fred et bravo pour les progrès à ski!

Texte et photos Nico Strider,

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