dimanche 20 juillet 2008

L'Aiguille Dulong de Rosnay

Oui, je sais j'ai commis l'énorme bourde d'oublier mon appareil photo!! J'ai bien des photos de portable pour me consoler, mais bon c'est pas la panacée!! Mais vous ferez avec....

Bon ça, vous l'avez déjà vu à plusieurs reprise sur le Blog des Chamoisards, c'est la très belle aiguille Reynier et nous sommes, une nouvelle fois, dans les Aiguilles de l'Argentière, ecrin belledonnien aux allures de cathédrales terrestres. Cathédrales qui ont l'avantage d'être près de la maison, on les voit tous les jours de Chambé! Autres avantages, ça dépasse pas 2900m mais pourtant une ambiance haute montagne comparable à celle de 3200 pyrénéens, ouessans ou même alpo-gréens. He oui c'est cette position de façade qui lui confère entre 200 et 300m de différence d'étagement avec les massifs internes...2900, c'est la haute montagne dans Belledonne et j'espère que dans cet article, vous allez le sentir un peu.



Nous progressions vers ces délaissés glaciaires entre névés et caillasses, Visse et moi, assez motivés dans l'idée d'aller découvrir une des Aiguilles, la Dulong de Rosnay sans autre topo que de savoir que c'est faisable et, en principe, sans trop de difficultés, mais aucun détail sur la question. J'ai pris le matos de l'aventurier (c'est à dire le rappel 2X50m, indispensable quand on sait pas à quoi s'attendre!! 2 pitons, plus le reste de la quinquaillerie TA habituelle, mais en version light, on n'est pas parti pour la Coste Rouge!!)

Pour info, nous étions ce jour-là le 19 juillet 2008 et nous avons chaussé les crampons en belledonne à 2100m, pour cause de long névés raides bien regelés! C'est devenu rare en ces temps de réchauffement climatique alpin. Mais il y a 20ans c'était tout à fait normal, Belledonne est un massif de haute montagne.

Preuve s'il en est :




Il débute à l'altitude modeste de 2600m mais c'est un joli petit glacier qui a usé un peu nos chevilles par sa pente de glace à 30° (court) vers le milieu. L'aiguille Dulong de Rosnay est celle au centre sur la photo de gauche, avec à sa gauche le Col Dulong de Rosnay, vers lequel nous cramponnons dans une neige correctement regelée.

Chose vite faite, l'accès au col est rapide mais ça termine par une petite cheminée un peu pourrie qu'on ne voit pas en hiver à ski, comblée par la neige.

Devant nous, le premier ressaut, qui est bien redressé, plus qu'il en a l'air sur cette photo d'avril 2007 :

Arrivé à la terasse au pied du ressaut, j'hésites pas mal entre les diverses possibilités. Je pars d'abord à gauche, ça à l'air de passer, mais c'est étroit et surtout...champignoneux. Mais alors vraiment. Bon...

Je regarde le dièdre à droite. Assez lisse, ça n'a pas l'air très protégeable. Allons voir le passage du milieu, qui une sorte d'écranchure avec des feuillets inversés...C'est "gazonneux" et mousseux, le début est facile, puis après ça à l'air d'aboutir à un passage lisse dont la suite n'est pas très prévisible, et à l'air de relever de la réta..

Constat général : rien n'est aseptisé dans cette voie peu faite, terrain parfois avec des prises cassantes, pas de traces de passage, pas d'équipement indiquant la voie, pas même un piton. Bon...

Je finis par opter par le fil champignonneux à gauche...Ca commence par une dalle en bon 3, puis c'est une traversée très étroite à flanc, très aérienne car le dessous est très vertical. Heureusement quelques becquets salvateurs, faute de fissures à coinceurs. J'arrive à la sortie de cette traversée, vers ce qui semble un couloir facile revenant vers l'arête. Sauf que...devant il y a une dalle un peu lisse mais surtout couverte de champignon...3 prises évidentes. Ou alors je contourne? non c'est pas évident et ça va faire du tirage, alors tant pis on bouffe du champignon. C'est la réta derrière qui fut plus délicate (un petit 4 belledonne pour les amateurs de cotations qui veulent pas dire grand chose) mais ça passe...ça passe..mais j'ai les mains noires, pleines de poussières.

Voilà moi je suis tiré d'affaire, c'est au tour de notre ami Visse! Bon la corde avale pas mal, ça a l'air d'aller. Puis ça bloque et Visse essaie de m'expliquer un truc. Je finis par comprendre que la corde noire s'était coincée dans un becquet. Je lui dit alors que la corde rouge l'assure et qu'il peut le temps de faire la manoeuvre avoir libre arbitre avec la corde noire.

Pac, Bling, bling ! Visse a choisi la solution forte : un becquet qui coincait méchamment la corde noire, hé ben il a fini dans le fracas, alimentant le couloir d'en bas!! La corde libérée dans son piège ne restait plus qu'à être avalée et le tour est joué.

Le problème de ces gneiss amphibolitiques, c'est que ça fait des tas d'écailles partout, comme un dos de crocodile, ou la corde se coince pour un rien!!

Nous voilà dans le couloir, assez herbeux par endroit car plein S, qui rejoint l'arête E en une zone de gneiss leptynitiques très clair, qui par moment font penser à des quarzites.

Le parcours est alors très facile et agréable. On aboutit ensuite au pied d'un joli ressaut avec une dalle noire qui a l'air chouette :


A l'attaque de la dalle :


Celle-ci, toujours un peu champignoneuse (hé oui ici c'est l'aventure, c'est pas l'arête des cosmiques!!), fut assez esthétique à remonter avec deux trois écailles assez franches.

Sur la suite, l'arête, plus étroite mais assez facile, devient assez stylée :


Ca tourne à droite vers le sommet, avec quelques petites brèches mal individualisées, c'est du gros blocs quoi :


Dans une des brèches, dont je ne vous dirai pas qu'elle était caractéristique(!!) j'ai fait partir le plus gros bloc de ma carrière d'alpiniste, aussi gros qu'un tronc d'homme. Il s'est délogé après mon passage dans un fracas de poussière, alors que mon assurage était assuré (c'est le cas de le dire) Il a été garnir les caillasses sympathiques en versant S des Aiguilles. Ca sentait le grillé!! Visse a bien cru qu'une bagnole était tombée!

Et quelques minutes plus tard, nous voilà à 2914m sur le sommet :

Oui là c'est du portable alors je vous ai épargné la couleur fadasse...

Là, ça donne mieux ce que c'était :

Juste en face de nous, dominant de 1m (!!), l'Aiguille Michel, point culminant des Aiguilles d'Argentière. Deux pointements entre notre sommet et le sien semblent bien compacts et aériens. Ayant des impératifs horaires contraignants, notre objectif est rempli! Ha oui, derrière c'est le Rocher Blanc, fait à ski il y a deux mois...le bon vieux temps du ski de rando.


Voilà la tronche des summiters, on les croirait en parapente dans les thermiques!!


La vue est superbe, notamment sur Belledonne Nord, le Lac de Grand Maison, la Vanoise et la Suisse (Cervin compris), la visibilité étant géniale.


Vue en plongée sur le glacier et la Combe de la Croix, on se croirait sur un 3300m ouessan :


Bon il y a un peu de vent frai et quelques impératifs horaires, on ne s'attarde pas, d'autant plus que la descente reste à réfléchir, notamment le ressaut du bas.

Pour préparer celui-ci, on a essayé un rappel "pédagogique" au niveau de la dalle noire...Bonjour la pédagogie quand, grosse loose, il se coince dès le becquet originel au moment du rappel, pas même dans la trajectoire qui devait "passer juste". Moment pédagogique de la remontée en s'assurant sur corde avec le machard, enfin si on peut dire!! Je redescend en solo le couloir facile de contournement à côté.

Sans compter le cafouillage avec la corde, vrillée de tous les côtés par le chamboulement, moment "ultra-pédagogique" de démellement, avec l'agacement de ces noeuds et le ridicule un peu comique de la situation qui se voulait "démonstration de style". ;)


L'autre rappel, celui qui est utile, j'allais dire inévitable pour franchir le ressaut bien redressé du bas, s'est déroulé sans problème de coincement et fut très joli. On a cherché un bon becquet, et puis finalement on a trouvé une cordelette bien coincée et en bon état. Comme quoi, il y a au moins 1 équipement!! à défaut de bonnes fissures pour un pitonnage en vue d'un relai béton...J'ai prolongé ce rappel sur le glacier pour gagner du temps, 50m sans accroc ça vaut la peine!!


Par contre en rappelant, pourtant avec une douceur attentionnée, la corde a délogé un joli petit bloc de gneiss leptynitique bien blanc, tout propre, qui heureusement a sifflé à côté pour se mourrir dans les neiges du glacier.


Bon ben il s'agit de redescendre un peu de glacier assez agréable :


Ambiance haute montagne, avec un Mont Blanc bouchonné au fond :


La glace en bas du glacier fut plus délicate, va falloir que j'aiguise un peu mes crampons!

Puis ce fut l'heure du picnic dans les blocs erratiques :


Vue en contrejour sur l'Aiguille Dulong Rosnay, ça marche en portable mais heureusement que j'ai enlevé les couleurs:


Ca c'est pour résumer une partie de la descente avec heureusement de bons névés parfois un peu raides, ayant pris trop haut:


Voili, voilou on retrouve les marcheurs du Lac de la Croix dans une ambiance verdoyante et très sympa au fur et à mesure qu'on se rapproche du col du Glandon sous les campanules!


Merci à Visse de m'avoir accompagné pour cette excursion et d'avoir eu le courage de ne pas être trop déstabilisé par son caractère "aventure" en terrain "non aseptisé" où l'alpiniste apprend à tatonner un peu avec le choix des passages...Au final, hormis le premier ressaut, cette course n'est pas difficile, ni longue mais c'est le caractère sauvage et peu nettoyé/parcouru, qui l'emporte sur le reste dans son style.

J'ai quand même pondu un petit topo avis aux amateurs, elle peut initier d'autres topos ;)

texte et photos Nico Strider

vendredi 11 juillet 2008

Couloir Nord Ouest de la Forcanada 2881 m Val d'Aran Cataluyna


D’une Forcaneda à l’autre de l’hiver à l’été, histoire d’un but hivernal transformé en réussite d’été :

participants : Gilles Bouchet et Patrick Entraygues ( alias Pastriste)

Il à fallu quatre mois pour Gilles et Pastriste pour enfin réussir ce couloir de la Forcaneda.

La première tentative eu lieu en février, il y avait très peu de neige alors sur les Pyrénées, sauf dans ce vallon orienté plein nord au fond de la vallée de l’Artiga de Lin.

Je vais donc vous conter une double histoire car les contrastes entre l’hiver et l'été d’un même lieu, ma foi sont fort joli en plus, sont très saisissant.

Pour faire petite résumé de nôtre première tentative, nous nous sommes réveillés bien tard le matin dans la tente, car aucun de nous deux n’avait entendu la sonnerie de l’altimètre à Gilles.


A la bourre nous sommes allez voir quand même, mais en plus Gilles était malade…et de plus un vent formidable soufflait lorsque on est arrivé au lac au dessus de 2000 m.


Bref, demi-tour, nous reviendrons d’ici quinze jours ou plus l’hiver n’est pas fini.

Sauf que quinze jours après c’était le début d’une période longue et quotidienne de chutes de neiges abondantes accompagné de Pluit et vent.

Au final ce fut donc au début de l’été 2008 que moi et Gilles gravîmes ensemble le sommet de la Forcaneda avec une belle vue sur la Maladeta….

Contemplant sans le savoir un pic ou j’allai me retrouvé au sommet avec des amis le mois suivant le Tuc de Molières 3010 m.

Donc en très chaud weekend d’été…isotherme à plus de 4000 m….tout de même.

Nous installons la tente pour la seconde fois de l’année sur le Pla de l’Artiga de Lin, 1400 m.

Il fait vraiment très beau et très chaud….nous partons Gilles et moi faire un petit tour dans l’autre vallon qui mène à la Forcaneda.

Vraiment toute cette verdure, toute ces fleurs, les troupeaux de vaches et chevaux cela chance de la blanche solitude du mois de février….les lignes de cascades de glace sur le sommet en face on laissé place à des torrents bondissants….quelques touriste se promène en short….

Et surprise une biche sort du bois et traverse le près….mais bon sans zoom digne de ce nom, râpé pour une photo intéressante.

Retour à la tente….cette fois j’assure le coup, je mets la sonnerie de mon portable à trois heures du matin.

Avec une isotherme aussi haute autant partir très tôt.

Le lendemain c’est donc à la frontale que nous arrivons de nouveau au lac qui est pas mal dégelé….

Alors qu’en hiver on y marchait dessus comme sur une banquise compacte sans voir l’eau.

La lune est juste à l’aplomb du sommet de la Forcaneda…juste après le Lac c’est une neige lavé et tassé, très dure qui nous attends.

On s’équipe, crampons piolet…pratiquement aucun vent …enfin juste un poil au niveau du col mais c’est que dalle à coté de février.

Le couloir est comme une entaille profonde entre deux parois, l’ambiance y est austère, il est pratiquement toujours à l’ombre avec sont exposition nord ouest.

Je prends une rigole d’écoulement des eaux lors des orages …c’est comme un canal d’irrigation gelée. La progression y est plus facile que sur les cotés ou la neige est un peu comme du beurre fondant en surface.

Je laisse passer en réversible Gilles devant à la dernière longueur car c’est idéal pour lui qui est un débutant pour faire sont premier couloir en tête.

Le couloir ne s’achève pas au sommet mais à une brèche qui sert de col.

Pour la suite il faut laisser les crampons, c’est de la grimpe dans une face sud, bon ce n’est pas dur, je dirais du II maxi….mais bon c’est plutôt exposé…si on glisse c’est direct 100 mètre plus bas.

D’ailleurs une fois au sommet nous trouvons des anneaux pour mettre un rappel pour descendre plus en sécurité.

Sauf que nous avons qu’une corde de 40 mètres…

Bon nous profitons de la vue sur le plus haut sommet des Pyrénées et le massif de la Maladeta…Il y à encore beaucoup de neige cet été dans les Pyrénées au dessus de 2600 m…ce n’est pas habituel.



nous voyons aussi du coté des Bésibérri et du Parc National d'Aigues Tortes en Catalogne.


Allez zou…il faut descendre…on met la corde autour de becquet et prudence….

enfin de nouveau au col on remet les crampons…..puis c’est la descente du couloir.

Un français monte en solo…la neige est toujours bonne dans le couloir qui est toujours à l’ombre.

Petite discussion amicale….hop on continue et retour au lac…pour casser la croûte il est midi environ.

La neige est devenu collante et glissante n'est ce pas Gilles :-)


Le Lac est très beau avec ces constrastes de bleu et de blanc quand je pense que c'était un immense champ de neige abondante sur lequel nous marchions.


un dernier coup d'oeil en arrière sur la Forcaneda de jour joli contraste avec l'hiver.

Séance photos florales et une grosse sieste récupératrice.

La descente commençe et avec elle le retour à l'étouffante canicule d'été un fois quitté le Lac

pour rejoindre le grand pré et le Pla de l'Artiga de Lin.

ET puis c’est le retour à la voiture …content comme des grillons…d’avoir enfin réussi cette course.



La grosse fournaise de la plaine de la Garonne nous attends....et c'est peu dire :-)))

crédit photo : Patrick Entraygues et Gilles bouchet.