samedi 6 juin 2009

Buts en cascade au pays des limaces noires !

Récit : Hydra
Photos : Pastriste & Hydra
Secteur : Arbizon ( Hautes Pyrénées)
Dernier WE du mois mai : enfin une opportunité d’aller en montagne se profile : la neige fond vite et limite le risque d’avalanches et le temps semble, enfin, orienté au beau fixe….

Nous décidons avec Pastriste de retourner du côté de l’Arbizon, où nous avions effectué l’an passé le couloir nord, en vue cette fois, de faire la « face nord » (couloir juste à côté).

Très avancé dans le piémont pyrénéen, le massif de l’Arbizon propose un accès routier facile ainsi qu’un cadre grandiose, peu fréquenté des alpinistes.

Je décolle samedi après midi de Bordeaux, après une sieste réparatrice. De son côté, Pastriste doit passer par Toulouse, pour faire du lèche vitrine. Un peu en avance, j’en profite pour regarder la seconde mi-temps de Stade Français / Perpignan, dans un troquet, à Bagnère de Bigorre, et assiste réjoui à la victoire des Catalans sur les Parisiens



Je reprends la route, après cette halte rugbystique, et arrive enfin à la Hourquette d’Ancizan (mot pyrénéen pour désigner un col). Il n’y a pas foule. En dehors de plusieurs troupeaux de vaches, il n’y a que très peu de voitures.

Comme Pastriste est un peu en retard, j’en profite pour mitrailler les sommets des parages, et surtout pour repérer un coin pour planter la tente, car en fait nous avons décidé cette fois de faire l’intégralité de la course depuis la Hourquette…


Ce n’est pas chose facile, car il y a certes plein de banquette d’herbe, mais il y a aussi plein de vaches partout. Je me vois mal dormir sous une tente, bercé par le carillon incessant d’un bovidé mélomane ; ou pire encore, réveillé en pleine nuit par une vache se prenant les pieds dans les fils reliant la tente aux sardines….


Je repère de l’autre côté de la Hourquette, une cabane déserte avec un joli enclos : bingo !
C’est potentiellement un super spot de bivouac. A peine rentré à la voiture pour écouter la radio, que la pluie se met à tomber. Apparemment, les vaches du coin n’aiment pas trop la flotte et se réfugient plus bas dans la forêt; chouette, un problème en moins !

Pastriste arrive enfin. On plante dare-dare la tente dans l'enclos et préparons la popotte. Nous discutons du programme du lendemain. Nous espérons trouver d’excellentes conditions, avec une neige portante bien tassée (et non l’infâme bouillie de l’année précédente).





Pendant que nous rangeons nos affaires, une voiture se gare près de la cabane. Une charmante ( mais je voyais assez mal dans le noir...) jeune dame nous informe qu’il est interdit de dormir ici (sic), mais que bon pour cette nuit, ça ira..…OUF ! .....(sympas les bergers dans le coin) …



La chouette cabane et son enclos pour le bivouac




Coucher de soleil sur le Pic du Midi de Bigorre et l'Arbizon






4H00 : le réveil de Pastriste sonne.

Nous nous préparons comme un seul homme. Le petit déj vite avalé, nous attaquons le sentier 40 minutes plus tard. Ce sentier est en général un peu monotone, car pendant une heure, on ne prend quasiment aucun dénivelé. Aujourd’hui, il est parfait pour nous, pour nous échauffer. En effet, nous n’avons pas remis les pieds en montagne depuis de longs mois. Et ce n’est pas la grande forme. Nous sommes fatigués et un peu barbouillés du fait de l’altitude.

Nous arrivons au premier obstacle de la course : un torrent gaiement gonflé par la fonte effrénée des neiges. Je longe en vain vers le haut pour trouver un gué. Pastriste, plus heureux, trouve le passage, sur des pierres à demi immergées. Merci les Népal Trek de nous permettre de passer ce torrent les pieds au sec !






Nous arrivons ensuite à la cabane, où nous avions bivouaqué l’an passé. Nous constatons, avec bonheur, qu’il y a beaucoup moins de neige que l'année dernière, et qu’en plus, elle porte merveilleusement bien ! C’est de bon augure.



Nous gagnons pas mal de temps sur l’approche par rapport à l’horaire de l’année précédente où nous avions brassés comme des désespérés. Le jour se lève sur une mer de nuage féerique.
Rien que pour ce moment, ça valait le coup de venir. Magie de la montagne...





Plus haut, avec le surcroît de luminosité, nous voyons enfin la face nord l’Arbizon.
Catastrophe ! La face nord est quasi sèche, c’est incroyable ! Seuls quelques névés opposent une vaine résistance aux assauts du printemps. Que faire ? Se rabattre sur le couloir nord, juste à côté sur la gauche, qui à l'air en meilleure condition ? C’est une possibilité, même si nous avons déjà parcouru cette course il y a un an à peine…






En fait, nous n’avons pas trop le choix. C’est le couloir nord ou rien. Nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur, car ce couloir nord demeure une chouette course, quand même. Premier but de la journée avec ce changement d’objectif. Cependant, en scrutant la face nord avec attention, nous découvrons, que ce couloir est lui aussi plutôt sec, et qu’en son milieu, la neige manque carrément....


Que faire ? Nous décidons de tenter notre chance quand même. Une fois équipés et reposés (il y en avait bien besoin), nous nous lançons dans le couloir. La neige porte bien et nous avançons vite. Vers 2400 mètres, nous arrivons dans une impasse. Le couloir asseché vient buter sur un ressaut rocheux. De part et d’autres du couloir, des rimayes narquoises semblent attendre des alpinistes intrépides. Ambiance lugubre. Nous préférons esquiver cette difficulté en prenant, par la gauche, une branche sans issue du couloir, qui a l'air plus aisée. En vain, le pied dans la rimaye, je ne puis pas chaud pour escalader un terrain mixte offrant peu de protections.




Nous décidons de forcer le passage en retournant directement dans le couloir. Pastriste s’avance prudemment sur cette langue de neige, bordée de trous et venant mourir au pied du ressaut.
La neige est particulièrement dure à cet endroit du couloir, et la pente respectable. Quel joli toboggan !

J’assure Pastriste qui s’élance prudemment sur le rocher. On dirait une sorte de gneiss métamorphique très compacte, mais je n’en suis pas sûr. Strider, es-tu là ?… Le problème est de pouvoir s’assurer. Je file mes friends à Pastriste qui n’a pas pris ses pitons, pensant que je m’en étais chargé. C’est bien dommage, car c’est un rocher à piton. Pas de béquet, pas de fissures pour coincer un malheureux friends…





Moments de flottements ! Nous décidons de faire marche arrière. J’assure Pastriste pour la redescente du toboggan. Quelle tension.... Cela me rappelle la descente de l’arête de la Pointe Isabella cet été avec Annapurna…On s’en sort quand même et improvisons un conseil de guerre. Par où passer cette fois ? Au milieu : oui, ça paraît pas mal. Mais qui a assez de jus pour attaquer en tête? Personne. Si on passe quand même, par où redescendre ensuite ? Le couloir Billon ? il devrait être assez sec, forcément lui aussi ! Le couloir EST du Montfaucon ? en théorie ça devrait passer, mais bonjour la bavante ! Que dit le temps ? de gros nuages gris nous talonnent et obscurcissent le Piémont…..




C’est décidé, nous rebroussons chemin : c’est un joli but ! Le second but de la journée !



Nous profitons de la descente pour repérer (pour l’an prochain peut être) le couloir de départ de la face nord, car c’est un joli labyrinthe ce coin. On le trouve enfin, caché derrière un éperon au pied de la splendide paroi de la face nord.




Au pied de la face nord de l'Arbizon




Une fois ce repérage effectué, nous mettons les voiles. Arrivés à la cabane, c’est la pause déséquipement. Nous sommes forcément un peu déçus. Mais contents d’être en bonne santé, tout de même. Nous constatons que pour une première course de l’année, c’était un peu ambitieux, ce programme, sans bivouac intermédiaire.




Le couloir EST de descente au niveau du Montfaucon


J’aimerais faire une petite sieste pensant que le matos sèche un peu. Mais avec le vent et le froid c’est difficile. Nous décidons de redescendre. Plus bas, un large soleil et des banquettes d’herbe fraîche offrent un spot à sieste, terrible.







Quelques minutes plus tard, nous sommes réveillés par un troupeau de randonneurs. Qu’est ce qu’ils font là à poireauter à deux mètres de nous, aussi nombreux ? Excédés par le vacarme et l’insolite de la situation, nous nous levons et repartons. Plus bas nous comprenons mieux le pourquoi du comment….tout le groupe est ralenti par le passage du fameux torrent. Mal équipés, les randonneurs ont des réticences à marcher les pieds sous l’eau. D’où cet embouteillage en pleine montagne !

Nous patientons au niveau du "bouchon" et franchissons le torrent dans le sens inverse. Arrivés au parking, nous fêtons dignement ces premiers buts de l’année par une bonne petite bière (une Pelforth, et oui, on ne se refuse rien)….il y a quand même un minimum de standing à respecter !





A bientôt pour de nouvelles aventures pyrénéennes!



PS : ah oui, au fait, voilà l’explication du titre par rapport aux limaces noires (il y en avait partout dans ce coin des Pyrénées).