mardi 1 juin 2010

Troumouse : couloir de la Clé du Curé !

Textes : Hydra
Photos : Hydra

Participants : Olive65 & Hydra
Secteur : cirque de Troumouse, Hautes Pyrénées





Sur le chemin allant au cirque de Troumouse, accompagné d’Oliver, je suis partagé par un mélange d’excitation et d’appréhension. Si l’excitation est habituelle dès que je pars en course, mon sentiment d’appréhension est lié au mélange de plusieurs craintes. Il y a tout d’abord, toutes les questions que l’on se pose dès qu’on part avec un nouveau compagnon de cordée, il y a ensuite, les craintes au niveau des conditions ; comment va porter toute la neige récente, tombée durant la semaine de l’Ascension ? Et enfin, il y a la crainte du cirque de Troumouse lui-même où je suis quelque peu maudit, entre le plantage de ma voiture lors du G2G 2009 et la multiplication des buts à la cascade du pin.






Bref, tout cela faisait beaucoup. Mais une fois dans la vallée d’Héas, menant au cirque, quelques doutes se dissipent avec l’excellent état de la route. Cela me fait d’ailleurs « très drôle » de circuler sur une route que je ne connais habituellement qu’enneigée et verglacée. Nous dépassons l’auberge d’Héas, puis attaquons la série de virage allant à l’auberge du Maillet.

De là, nous apercevons parfaitement la cascade du pin et sa congénère, celle du gros débit.

Même en voiture, cela fait une belle tirée, et j’apprécie avec plus de justesse, la difficulté de cette marche d’approche dans des conditions hivernales…Une fois passée l’auberge, il y a un petit pont. Problème, un petit panneau « route barrée » posé sur le macadam, nous invite à ne pas aller plus loin.

En levant les yeux, la route nous paraît pourtant largement dégagée plus haut.

-"vas-y, ils vont quand même pas nous mettre de prune ici ! " me conseille Olivier, qui derechef, sort de la voiture et décale sur la droite l’impétrant panneau.

En franchissant le pont, j’ai un mauvais pressentiment, vite effacé par tous les mètres de marche superflus économisés par notre audace.

Nous nous garons dans un lacet, en contrebas des deux tracto-pelle qui déneigent la route, et filons en direction de la cabane de la Vierge, nom parfaitement indiqué quand on s’apprête à gravir le couloir de la clé du curé.


Coucher de soleil sur le cirque de Troumouse




C’est une toute petite cabane, pour 3 à 4 personnes maximum. Mais avec son petit matelas, son excellente isolation et sa peinture refaite, elle est très confortable pour notre cordée.

Avant le repas, j’en profite pour faire un panoramique complet du cirque de Troumouse, qui contrairement à son voisin de Gavarnie, est bien un cirque sur 360°…De la cabane, on ne voit que la sortie de notre couloir, qui a l’air court, mais bien raide.





La nuit se passe sans plus de problèmes que de coutume et dès 4 heures, nous sommes sur le pied de guerre. Nous constatons amèrement, que le regel est très superficiel. Si au départ, la trace des raquettistes est en béton armé, plus loin, la neige est croûtée. Aidé de ses bâtons, Olivier avance plutôt bien alors que je m’enfonce impitoyablement à chaque pas…Au bout d’une heure d’effort, le brassage s’accentue avec la pente, à mesure que nous approchons du pied du couloir. Cela en devient exténuant. Heureusement, Olivier fait la trace.





Nous parvenons au niveau d’une coulée providentielle, qui sera pour nous un véritable ascenseur avec ses gros blocs gelés. Puis, après un nouveau brassage en règle, nous atteignons la rive droite du couloir sous un immense devers, où nous faisons notre premier relais, au même moment que le lever du jour. Les choses sérieuses vont enfin commencer. Ayant fait la trace jusque là, Olivier a besoin de souffler. Je m’élance en tête. Au départ, il y a une petite pellicule de glace à la surface du manteau neigeux, grâce à laquelle je progresse facilement, mais plus loin, le neige est complètement pulvérulente, rien n’est transformé. Je m’enfonce parfois jusqu’à la taille. Je creuse péniblement une tranchée, mais j’arrive vite à un point où même les piolets n’ancrent plus rien. J’essai en haut, échec, j’essaie à droite, nouvel échec.





Premier relais à l'aube sous la paroi en dévers




Cela sent bien le but, c’est la malédiction de Troumouse ! En revenant sur mes pas, j’aperçois comme une vague trace un peu plus haut sur la gauche. Je plante mon piolet à tout hasard, ça tient ! Ma progression continue. Cette trace est en fait l’impact récent d’une chute de pierre. Sans elle, nous aurions du faire demi-tour ! En revenant sur main gauche, je me rapproche du rocher du bloc coincé, ce qui m’aide quelque peu et cahin caha, je parviens dans une chouette petit grotte, qui nous fera un bon relais. Je place vite un camalot .75, qui fait office de premier point, mais alors que j’essaie en vain de trouver un second point, Olivier s’impatiente. Tant pis, je vais l’assurer sur ce seul point…Aussitôt arrivé, Olivier repart pour la seconde longueur.



La neige y est meilleure, Olivier, parvient même à poser une broche. Cette longueur est la plus courte, mais aussi la plus raide. Parvenu au niveau d’Olivier, j’enchaîne les dernières longueurs. A ce niveau, la pente est continue et la neige plus transformée. C’est une partie de plaisir.


Le relais de la petite grotte




La sortie du couloir, dominée par une grande corniche, est très esthétique, avec une belle vue sur le côté espagnol. Craignant de brasser dans la descente, nous n’allons pas au sommet du Pène Blanque de Troumouse et filons vers le col de la Munia. En face sud, nous constatons que la neige est béton, un pur bonheur, ce qui nous permet de vite progresser. Arrivés au col, la vue est superbe sur la vallée d’Héas, sur le massif du Néouvielle et sur les sommets espagnols dominant le cirque d’Ordesa…

Regard vers le col de la Munia, côté espagnol


Dans la descente de la face nord de la Munia, j’ai une pensée pour Visse et Quent, qui ont foulé ces lieux il y a quelques temps, mais je suis vite absorbé par les efforts à déployer, pour avancer dans de la neige croûtée à nouveau. C’est dommage, car cette descente est très jolie et doit être agréable en bonnes conditions



Regard sur le canyon d'Ordesa, encore bien plâtré



Regard sur le Campbieil, le Badet et le Pic Long


Ce sera le calvaire jusqu’à la cabane. La Vierge est toujours là, le soleil aussi, et il fait très soif. Nous mangeons un bout, puis repartons à la voiture. Au niveau du chantier de déneigement, j’ai un mauvais pressentiment en ne voyant qu’un seul tracto-pelle. Où est congénère ?



Nous nous déséquipons quand même, rangeons nos affaires et démarrons le moteur. Arrivés au niveau du pont, nous n’en croyons pas nos yeux. Nous sommes bloqués par le second tracto-pelle, garé le long de la route et dont la pelle fait un grand V inversé en travers de la route. Nous sommes piégés comme des rats, en pleine montagne. Que faire ?




Couloir d'attaque de la face nord de la Munia




Attendre le retour des employés municipaux de Gèdre ? Il est 13H30, ils sont peut être déjà en week-end ! Aller voir à l’auberge du Maillet voir si les conducteurs des engins y sont ? Olivier a une autre idée : passer sous le V inversé, formé par la pelle. Du côté conducteur, ça paraît impossible. J’hésite beaucoup. Finalement, je me lance prudemment. Cela passe à quelques centimètres près…. Nous sommes bien contents de nous évader et de faire la nique à ces farceurs mal lunés. Comme quoi, les miracles existent !


Belle vue, au retour, sur l'ensemble du couloir de la Clé du Curé (D- II)



A bientôt pour de nouvelles aventures pyrénéennes !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Si t'avais récupéré la clé du curé, t'aurais peut-être pu démarrer le tracto-pelle non?

Et sinon, la bonne du curé, elle était où?

jc

Hydra a dit…

Merci JC, pour tes conseils avisés,..., mais on n'était pas trop chaud pour conduire le tracto-pelle, car les employés municipaux, auraient pu être à l'auberge, juste à côté.

Et en ce qui concerne, la bonne du curé, les bonnes mœurs m'invitent à tenir secrète cette partie du récit...

Hydra