Enfin, l'orage est passé...ou presque. Laissons-le s'occuper des chambériens, tandis que nous, on va aller respirer le sain air belledonnien dans le cirque de l'Oule.
Sain air...enfin plutôt humidité relative 80% et ambiance nebelwald dans cette profonde et verdoyante forêt de l'Oule. Car on est pas encore bien haut. Visse et moi, sommes non loin du cône de déjection du couloir du Pertuis, visité l'année dernière, puis, en face, la cascade de l'Oule, bien gonflée:
Plus haut, dépassant la cime des arbres, l'antécime de la Pointe Comberousse et sa face NW:
Encore pas trop mal enneigée, cette face typiquement belledonnienne est évidemment assez attirante. Mais pour l'instant cette option n'est pas envisagée puisque l'objectif initial est le couloir W des Grandes Lanches.
Passer le verrou à gauche des cascades ne fut pas de tout repos. Ici on est à l'Oule, c'est pas une montagne particulièrement hospitalière, on n'est pas sur la montagne d'Arvillard ou sur le Grand Rocher. Deux névés non tracés nous ont donné du fil à retordre, le premier parce qu'il était lisse et dense (merci le piolet) et le second parce qu'il fait un pont de neige au-dessus un bon ruisseau, et qui nous a obligé à éviter le point par un saut assez délicat.
Plus haut, on trouve la belle cuvette de l'Oule, avec son torrent bouillonnant, et au-dessus, sur un autre verrou, nettement plus hospitalier, se trouve le très joli refuge de l'Oule dominé par un cirque cristallin joliment architecturé.
Quelques lacets plus tard, nous voilà sur la plateforme du refuge, à 1800m d'altitude, dominant le fond du vallon de l'Oule et au loin le bassin chambérien.La plateforme du refuge, écrin verdoyant au coeur d'un désert nivo-minéral est un havre de paix. La bâtisse rustique a du caractère.
Nous y sommes seuls et nous le resterons, semble-t-il. Dans la bâtisse, après avoir ouvert les volets, règne une fraîcheur humide assez insistante. Le poëlle est tout petit et il s'agit de tenter de faire un feu pour pouvoir cuisiner sans user le gaz du réchaud de Sylvain.
Sylvain s'attache à faire du petit bois tandis que je nettoie la masse impressionnante de cendre au fond du poëlle.
Après avoir constaté la relative sécheresse du couloir W des Grandes Lanches, nous décidons de nous reporter préférentiellement sur la face NW de Comberousse, en attendant vérification des conditions demain, étant donné la part d'incertitude.
Les nuages dehors sont en train de s'épaissir et un petite pluie s'installe. De quoi profiter du confort relatif de la bâtisse.
Vint ensuite par analogie avec la mémorable séquence du refuge d'Ambin avec Joce cet automne, l'inévitable séquence fou rire du poëlle qui tire pas et des pates dégeulasses!!
Le poëlle nous avons réussi à le faire marcher 10 minutes tout au plus, on y croyait ferme!! Mais par lassitude on a laissé tomber.
Quand à l'histoire des pâtes au curry, je laisse mon collègue témoigner :
Mon collègue, si délicat et plein de raffinements dans la vie urbaine, a poussé le vice (rhô, rhô, rhô, je me gausse) jusqu'à se faire un espèce de bouillon de pâtes.....au curry. Déjà que les pâtes en sachet, c'est jamais très fameux, mais alors au curry... (puis fallait goûter pour y croire : d'habitude ça arrache pas autant la gueule le curry, z'avait dû y introduire des bouts de verre). Perso, après avoir poliment goûté une cuillérée de ces pâtes chinoises (qui soit dit en passant avait due être confectionnées dans les ateliers de Nike, à Taiwan), j'ai prétexté ne plus supporter le curry, à cause que j'en ai trop ingéré lors d'un trek au Népal (faut dire, pour ceux qui envisagent d'aller un jour au népal, commencez une cure de curry tout de suite, sinon, tournez-vous plutôt vers l'Autriche) Le summum a été atteint lorsque mr S....."heure" a eu la bonne idée de diluer ses pâtes avec de l'eau du ruisseau (de l'eau fraîche, par euphémisme). C'est vrai que, perso, j'ai trouvé l'idée un peu saugrenue et que je me suis dis que ce n'était pas la meilleure décision qu'il ait pris en montagne !! Enfin, résultat, l'alliance du feu des épices et la fraîcheur glaciale de l'eau du bassin réunis dans une gammelle de pâtes en sachet, et bien là on verse dans une forme d'alimentation intolérable.....ce n'est même plus un simple besoin à assouvir, c'est une souffrance que l'on s'inflige.
Quelle crise de rire!!
Perso à ma décharge c'est les seules nouilles "chinoises" que j'ai trouvées à moins de 1euros à Leclerc lorsque j'ai fait mes courses en catastrophe!! Le reste c'était un truc au boeuf à 1,5euros qui avait l'air ragoutant. Du curry j'en met dans le poulet à la crème que je me fais de temps en temps. Mais c'est un curry doux.
Là il fouettait sec le gosier, c'est du vrai, gavé de coriandre et de cardamome. D'où le concept d'essayer de désépicer les pâtes avec l'eau de la fontaine du refuge : ça a plus ou moins marché mais par contre c'était ben froid après! Le tout c'est d'arriver à avaler.
Je remercie néanmoins l'INIPOMP!!! un petit cachet de ce remède miracle m'a évité des RGO!!! alias Reflux Gastro-Oesophagien!
Le soir tombe dehors, la bougie est bien utile. Au loin les premières lumières de la vallée et de Chambé. La nuit tombante en montagne a l'effet d'un bon somnifère!
Perso grace à ma veste-duvet j'ai super bien dormi. A tel point que le portable qui sonne à 4h du mat, c'est un peu la surprise. Le vent dehors a été fort une bonne partie de la nuit, et on ne savait pas si de la pluie tombait avec. Apparemment non, car en sortant dehors l'herbe à l'air a peu près sèche, et le ciel est clair mais déjà voilé.
Après un petit déj bien agréable, c'est un départ qui l'est autant, avec un sac plus léger que la veille. Les Préalpes sont déjà convertes d'un voile bien sombre, mais au-dessus de Belledonne le ciel est pour l'instant encore bien clair. De plus le flux est S>N ce qui devrait permettre de rester épargné un peu de temps mais la fenêtre météo semble assez courte, quelques heures devant nous au plus.
Après cinq-dix minutes de sentier, nous trouvons le premier grand névé nous permettant de chausser les crampons. La neige, bien que humide en surface, porte bien. Sa surface est rosée par deux jours de Sirocco, ce vent saharien qui amène des sables par l'intermédiaire de la dépression de Gênes. Les vents ont été violents car il y a beaucoup d'humus et de petites feuilles.
La marche d'approche est efficace et on dénivelle vite. Il s'agit de passer par la droite le grand verrou 2200m du cirque de l'Oule. De quoi s'échauffer au cramponnage bien tranquillement.
Nous arrivons au cairn, sur le plateau du grand verrou, au beau milieu du cirque, dominé notamment par le Charmet de l'Aiguille (à gauche), et la pointe de Comberousse dont nous voyons la NW de l'antécime (à droite) vers laquelle nous allons nous diriger:
La marche d'approche au pied de la face, sur une neige plutôt bien portante s'avère plus longue qu'elle en a l'air. Devant nous, la face, haute de 350m, a l'air creusé de rigoles d'avalanches très profondes, comme des pistes de bobsleigh. Aussi il va falloir louvoyer dedans quelque peu:
En face de nous, le col du Morétan, la Pointe du Gleysin et les deux cols homonymes, une densité de sommets bien belledonnienne:
Nous traversons un peu péniblement les dépôts d'avalanches aux neiges collantes. Puis arrivés au pied d'une rigole, nous mettons les casques et sortons les deux piolets:
Nous voila au coeur d'une profonde rigole, remontant son fond, droit dans la pente, par une bonne neige blanche de creux épargnés des sables limoneux du Sirocco.
En 14 ans de pratique de la haute montagne, j'avais jamais vu une chose pareil!! Des rigoles aussi profondes, des pentes de neige autant marquée par le Sirocco, c'est une nature incroyablement surprenante que nous découvrons.
L'ambiance dans ces rigoles est étonnante, on y trouve des petits murs bien raides, alternés avec des cuvettes parfois confortables.
Arrivés à l'embranchement des couloirs de neige, la pente s'est bien redressée pour arriver à 50° environ, car la neige, devenue plus rare sur la face, est plus creusée dans son profil. Au début du printemps, la pente, plus chargée, doit être moins raide. Mais certainement avalancheuse, ce qui n'est absolument pas le cas aujourd'hui.
Je sonde le mental à Sylvain car c'est sa première vraie pente raide et il s'en sort très bien, il est très concentré et il apprécie la démarche. Dans ce genre de pente, il n'est éthique de sortir la corde que si on tire des longueurs. En effet, quand c'est aussi raide et qu'on utilise tous ses membres pour monter, on ne peut pas assurer une éventuelle chute de l'autre, donc il vaut mieux être concentré et indépendant dans son rythme, et ne sortir la corde que lorsqu'une longueur est jugée nécessaire, notamment lorsqu'il y a de la glace. Ce n'est pas le cas, et le cramponnage est très fiable. Avec les piolets techniques, on a trois points d'appui dès qu'on lève un pied ce qui rend la progression sure.
Nous devons traverser vers la gauche, passant plusieurs rigoles et il faut franchir les murets de part et d'autres, ce qui est plus sportif :
Le ciel en train de voir passer les premiers cortèges de stratus pas très épais mais un peu pompeux.
Après l'angle de la pente, nous remontons une profonde rigole, puis toujours dans le même plaisir, nous arrivons sur les pentes supérieures dont la remontée est assez linéaire, avec des perspectives bien fuyantes :
On s'apercoit vite que la sortie de la face, à droite de l'antécime n'est pas loin. Mais auparavant il faut passer par de la neige de bordure de rochers, et la qualité est nettement moins bonne, elle porte moins confortablement, le traçage est pénible!
Sur la toute fin de la face, nous montons un peu trop directement, partant trop à gauche, et nous voilà, pour rejoindre la crête, dans des gradins assez infâmes, expos, péteux et improtégeables. Le genre de passage fouareux que je déteste par excellence, heureusement assez court, mais laisse un peu dépourvu avec un sentiment malsain.
Au bout de quelques mètres je trouve néanmoins la première terrasse "confortable" pour sortir la corde et permettre d'assurer les derniers rochers bien raide et une crête en neige que je pensais bien fine.
En fait même si le mur final de neige est raide, derrière on trouve des pentes assez débonnaires!
Voilà la face vue en plongé de la sortie, la perspective bouchée étant légèrement faussée par la focale rapprochée (c'est moins raide que cela en a l'air sur la photo)
Et voilà la large crête assez élégante vers la Pointe de Porte l'Eglise:
C'est là qu'on s'est aperçus après être arrivés sur cette crête qu'il suffisait, pour éviter les gradins, de prendre bien au centre, acceptant auparavant de faire une traversée vers la droite, et la sortie était ainsi en neige comme on l'avait observé en bas. Le genre d'ironie bien classique en alpi!!
En face de nous, le vallon de la Grande Valloire, dominé par le Rocher d'Arguille, et la Belle Etoile au fond.
Nous contournons un ressaut péteux en prenant un petit couloir peu incliné versant sud et nous voilà au sommet de l'antécime, à près de 2800m, sorte de selle vers le sommet:
En aller-retour le sommet peut être jugé à bien 30-45min aller-retour, même si la crête n'a pas l'air bien difficile, on a rempli l'objectif de remonter la face nord-ouest et nous sentons bien, par l'humidité relative de l'air, que la fenêtre météo ne va pas tenir. Tant pis pour le sommet, on aurait rien vu de plus de toute façon.
Quelques photos souvenirs :
Il s'agit de descendre par ce couloir en face nord-est :
Il s'avéra tout de même assez raide par endroit, devant descendre à reculons, notamment aussi parce que la neige n'était pas bien consistante sur 10cm. Mais aucune accumulation, voire même des rigoles se profilant un peu endroit, signe de "creusement" de la face, devenant plus raide du fait de la disparition de la neige.
Et nous voilà en bas, sur les reliquats du glacier du Gleysin, sous une pluie froide, pas trop forte.
Au fond du cirque, en fenêtre, le puissant Puy Gris (à gauche), l'un des 2900 du massif, et derrière la Pointe de Comberousse (à droite) dont nous venons de descendre la partie droite de la face.
Il ne faut pas trop trainer sous la flotte, aussi nous descendons vite les larges et agréables pentes, pour revenir au verrou 2200m, bouclant la boucle, sous le Charmet de l'Aiguille:
Quelques photos souvenirs au niveau du verrou, avant de vite filer pour le picnic au refuge :
La pluie s'est bien arrêtée et le ciel est devenu laiteux. La face des Grandes Lanches avec le couloir W, bien désertique :
Par une descente efficace, nous retrouvons vite la plateforme du refuge dominant le vallon verdoyant et les brumes des vallées! C'est ici qu'il fait encore le meilleur!!
On quitte le refuge un peu à regret mais faut bien descendre à un moment ou un autre. Les deux névés nous ont donné du fil à retordre.
Le premier, celui qui faisait un pont au-dessus du ruisseau, pont qu'on pris soin d'éviter, a fini par péter net après mon passage par contrepoids sans que l'on soit passé dessus pourtant : il a craqué par effet de fissures, à 3m de distance!! Impressionnant mais à la limite ça va faciliter et sécuriser le passage pour les autres.
Le second plus tassé et lisse que jamais redemandait de bonnes marches et surtout de bons piolets.
Ensuite ce fut la nebelwald profonde et verdoyante pour retrouver les près fleuris du hameau du Gleysin, cadre charmant même sous un ciel bien gris!
Merci à Sylvain pour m'avoir accompagné dans cette bien belle aventure alpine,
Texte et photos Nico Strider,
Sain air...enfin plutôt humidité relative 80% et ambiance nebelwald dans cette profonde et verdoyante forêt de l'Oule. Car on est pas encore bien haut. Visse et moi, sommes non loin du cône de déjection du couloir du Pertuis, visité l'année dernière, puis, en face, la cascade de l'Oule, bien gonflée:
Plus haut, dépassant la cime des arbres, l'antécime de la Pointe Comberousse et sa face NW:
Encore pas trop mal enneigée, cette face typiquement belledonnienne est évidemment assez attirante. Mais pour l'instant cette option n'est pas envisagée puisque l'objectif initial est le couloir W des Grandes Lanches.
Passer le verrou à gauche des cascades ne fut pas de tout repos. Ici on est à l'Oule, c'est pas une montagne particulièrement hospitalière, on n'est pas sur la montagne d'Arvillard ou sur le Grand Rocher. Deux névés non tracés nous ont donné du fil à retordre, le premier parce qu'il était lisse et dense (merci le piolet) et le second parce qu'il fait un pont de neige au-dessus un bon ruisseau, et qui nous a obligé à éviter le point par un saut assez délicat.
Plus haut, on trouve la belle cuvette de l'Oule, avec son torrent bouillonnant, et au-dessus, sur un autre verrou, nettement plus hospitalier, se trouve le très joli refuge de l'Oule dominé par un cirque cristallin joliment architecturé.
Quelques lacets plus tard, nous voilà sur la plateforme du refuge, à 1800m d'altitude, dominant le fond du vallon de l'Oule et au loin le bassin chambérien.La plateforme du refuge, écrin verdoyant au coeur d'un désert nivo-minéral est un havre de paix. La bâtisse rustique a du caractère.
Nous y sommes seuls et nous le resterons, semble-t-il. Dans la bâtisse, après avoir ouvert les volets, règne une fraîcheur humide assez insistante. Le poëlle est tout petit et il s'agit de tenter de faire un feu pour pouvoir cuisiner sans user le gaz du réchaud de Sylvain.
Sylvain s'attache à faire du petit bois tandis que je nettoie la masse impressionnante de cendre au fond du poëlle.
Après avoir constaté la relative sécheresse du couloir W des Grandes Lanches, nous décidons de nous reporter préférentiellement sur la face NW de Comberousse, en attendant vérification des conditions demain, étant donné la part d'incertitude.
Les nuages dehors sont en train de s'épaissir et un petite pluie s'installe. De quoi profiter du confort relatif de la bâtisse.
Vint ensuite par analogie avec la mémorable séquence du refuge d'Ambin avec Joce cet automne, l'inévitable séquence fou rire du poëlle qui tire pas et des pates dégeulasses!!
Le poëlle nous avons réussi à le faire marcher 10 minutes tout au plus, on y croyait ferme!! Mais par lassitude on a laissé tomber.
Quand à l'histoire des pâtes au curry, je laisse mon collègue témoigner :
Mon collègue, si délicat et plein de raffinements dans la vie urbaine, a poussé le vice (rhô, rhô, rhô, je me gausse) jusqu'à se faire un espèce de bouillon de pâtes.....au curry. Déjà que les pâtes en sachet, c'est jamais très fameux, mais alors au curry... (puis fallait goûter pour y croire : d'habitude ça arrache pas autant la gueule le curry, z'avait dû y introduire des bouts de verre). Perso, après avoir poliment goûté une cuillérée de ces pâtes chinoises (qui soit dit en passant avait due être confectionnées dans les ateliers de Nike, à Taiwan), j'ai prétexté ne plus supporter le curry, à cause que j'en ai trop ingéré lors d'un trek au Népal (faut dire, pour ceux qui envisagent d'aller un jour au népal, commencez une cure de curry tout de suite, sinon, tournez-vous plutôt vers l'Autriche) Le summum a été atteint lorsque mr S....."heure" a eu la bonne idée de diluer ses pâtes avec de l'eau du ruisseau (de l'eau fraîche, par euphémisme). C'est vrai que, perso, j'ai trouvé l'idée un peu saugrenue et que je me suis dis que ce n'était pas la meilleure décision qu'il ait pris en montagne !! Enfin, résultat, l'alliance du feu des épices et la fraîcheur glaciale de l'eau du bassin réunis dans une gammelle de pâtes en sachet, et bien là on verse dans une forme d'alimentation intolérable.....ce n'est même plus un simple besoin à assouvir, c'est une souffrance que l'on s'inflige.
Quelle crise de rire!!
Perso à ma décharge c'est les seules nouilles "chinoises" que j'ai trouvées à moins de 1euros à Leclerc lorsque j'ai fait mes courses en catastrophe!! Le reste c'était un truc au boeuf à 1,5euros qui avait l'air ragoutant. Du curry j'en met dans le poulet à la crème que je me fais de temps en temps. Mais c'est un curry doux.
Là il fouettait sec le gosier, c'est du vrai, gavé de coriandre et de cardamome. D'où le concept d'essayer de désépicer les pâtes avec l'eau de la fontaine du refuge : ça a plus ou moins marché mais par contre c'était ben froid après! Le tout c'est d'arriver à avaler.
Je remercie néanmoins l'INIPOMP!!! un petit cachet de ce remède miracle m'a évité des RGO!!! alias Reflux Gastro-Oesophagien!
Le soir tombe dehors, la bougie est bien utile. Au loin les premières lumières de la vallée et de Chambé. La nuit tombante en montagne a l'effet d'un bon somnifère!
Perso grace à ma veste-duvet j'ai super bien dormi. A tel point que le portable qui sonne à 4h du mat, c'est un peu la surprise. Le vent dehors a été fort une bonne partie de la nuit, et on ne savait pas si de la pluie tombait avec. Apparemment non, car en sortant dehors l'herbe à l'air a peu près sèche, et le ciel est clair mais déjà voilé.
Après un petit déj bien agréable, c'est un départ qui l'est autant, avec un sac plus léger que la veille. Les Préalpes sont déjà convertes d'un voile bien sombre, mais au-dessus de Belledonne le ciel est pour l'instant encore bien clair. De plus le flux est S>N ce qui devrait permettre de rester épargné un peu de temps mais la fenêtre météo semble assez courte, quelques heures devant nous au plus.
Après cinq-dix minutes de sentier, nous trouvons le premier grand névé nous permettant de chausser les crampons. La neige, bien que humide en surface, porte bien. Sa surface est rosée par deux jours de Sirocco, ce vent saharien qui amène des sables par l'intermédiaire de la dépression de Gênes. Les vents ont été violents car il y a beaucoup d'humus et de petites feuilles.
La marche d'approche est efficace et on dénivelle vite. Il s'agit de passer par la droite le grand verrou 2200m du cirque de l'Oule. De quoi s'échauffer au cramponnage bien tranquillement.
Nous arrivons au cairn, sur le plateau du grand verrou, au beau milieu du cirque, dominé notamment par le Charmet de l'Aiguille (à gauche), et la pointe de Comberousse dont nous voyons la NW de l'antécime (à droite) vers laquelle nous allons nous diriger:
La marche d'approche au pied de la face, sur une neige plutôt bien portante s'avère plus longue qu'elle en a l'air. Devant nous, la face, haute de 350m, a l'air creusé de rigoles d'avalanches très profondes, comme des pistes de bobsleigh. Aussi il va falloir louvoyer dedans quelque peu:
En face de nous, le col du Morétan, la Pointe du Gleysin et les deux cols homonymes, une densité de sommets bien belledonnienne:
Nous traversons un peu péniblement les dépôts d'avalanches aux neiges collantes. Puis arrivés au pied d'une rigole, nous mettons les casques et sortons les deux piolets:
Nous voila au coeur d'une profonde rigole, remontant son fond, droit dans la pente, par une bonne neige blanche de creux épargnés des sables limoneux du Sirocco.
En 14 ans de pratique de la haute montagne, j'avais jamais vu une chose pareil!! Des rigoles aussi profondes, des pentes de neige autant marquée par le Sirocco, c'est une nature incroyablement surprenante que nous découvrons.
L'ambiance dans ces rigoles est étonnante, on y trouve des petits murs bien raides, alternés avec des cuvettes parfois confortables.
Arrivés à l'embranchement des couloirs de neige, la pente s'est bien redressée pour arriver à 50° environ, car la neige, devenue plus rare sur la face, est plus creusée dans son profil. Au début du printemps, la pente, plus chargée, doit être moins raide. Mais certainement avalancheuse, ce qui n'est absolument pas le cas aujourd'hui.
Je sonde le mental à Sylvain car c'est sa première vraie pente raide et il s'en sort très bien, il est très concentré et il apprécie la démarche. Dans ce genre de pente, il n'est éthique de sortir la corde que si on tire des longueurs. En effet, quand c'est aussi raide et qu'on utilise tous ses membres pour monter, on ne peut pas assurer une éventuelle chute de l'autre, donc il vaut mieux être concentré et indépendant dans son rythme, et ne sortir la corde que lorsqu'une longueur est jugée nécessaire, notamment lorsqu'il y a de la glace. Ce n'est pas le cas, et le cramponnage est très fiable. Avec les piolets techniques, on a trois points d'appui dès qu'on lève un pied ce qui rend la progression sure.
Nous devons traverser vers la gauche, passant plusieurs rigoles et il faut franchir les murets de part et d'autres, ce qui est plus sportif :
Le ciel en train de voir passer les premiers cortèges de stratus pas très épais mais un peu pompeux.
Après l'angle de la pente, nous remontons une profonde rigole, puis toujours dans le même plaisir, nous arrivons sur les pentes supérieures dont la remontée est assez linéaire, avec des perspectives bien fuyantes :
On s'apercoit vite que la sortie de la face, à droite de l'antécime n'est pas loin. Mais auparavant il faut passer par de la neige de bordure de rochers, et la qualité est nettement moins bonne, elle porte moins confortablement, le traçage est pénible!
Sur la toute fin de la face, nous montons un peu trop directement, partant trop à gauche, et nous voilà, pour rejoindre la crête, dans des gradins assez infâmes, expos, péteux et improtégeables. Le genre de passage fouareux que je déteste par excellence, heureusement assez court, mais laisse un peu dépourvu avec un sentiment malsain.
Au bout de quelques mètres je trouve néanmoins la première terrasse "confortable" pour sortir la corde et permettre d'assurer les derniers rochers bien raide et une crête en neige que je pensais bien fine.
En fait même si le mur final de neige est raide, derrière on trouve des pentes assez débonnaires!
Voilà la face vue en plongé de la sortie, la perspective bouchée étant légèrement faussée par la focale rapprochée (c'est moins raide que cela en a l'air sur la photo)
Et voilà la large crête assez élégante vers la Pointe de Porte l'Eglise:
C'est là qu'on s'est aperçus après être arrivés sur cette crête qu'il suffisait, pour éviter les gradins, de prendre bien au centre, acceptant auparavant de faire une traversée vers la droite, et la sortie était ainsi en neige comme on l'avait observé en bas. Le genre d'ironie bien classique en alpi!!
En face de nous, le vallon de la Grande Valloire, dominé par le Rocher d'Arguille, et la Belle Etoile au fond.
Nous contournons un ressaut péteux en prenant un petit couloir peu incliné versant sud et nous voilà au sommet de l'antécime, à près de 2800m, sorte de selle vers le sommet:
En aller-retour le sommet peut être jugé à bien 30-45min aller-retour, même si la crête n'a pas l'air bien difficile, on a rempli l'objectif de remonter la face nord-ouest et nous sentons bien, par l'humidité relative de l'air, que la fenêtre météo ne va pas tenir. Tant pis pour le sommet, on aurait rien vu de plus de toute façon.
Quelques photos souvenirs :
Il s'agit de descendre par ce couloir en face nord-est :
Il s'avéra tout de même assez raide par endroit, devant descendre à reculons, notamment aussi parce que la neige n'était pas bien consistante sur 10cm. Mais aucune accumulation, voire même des rigoles se profilant un peu endroit, signe de "creusement" de la face, devenant plus raide du fait de la disparition de la neige.
Et nous voilà en bas, sur les reliquats du glacier du Gleysin, sous une pluie froide, pas trop forte.
Au fond du cirque, en fenêtre, le puissant Puy Gris (à gauche), l'un des 2900 du massif, et derrière la Pointe de Comberousse (à droite) dont nous venons de descendre la partie droite de la face.
Il ne faut pas trop trainer sous la flotte, aussi nous descendons vite les larges et agréables pentes, pour revenir au verrou 2200m, bouclant la boucle, sous le Charmet de l'Aiguille:
Quelques photos souvenirs au niveau du verrou, avant de vite filer pour le picnic au refuge :
La pluie s'est bien arrêtée et le ciel est devenu laiteux. La face des Grandes Lanches avec le couloir W, bien désertique :
Par une descente efficace, nous retrouvons vite la plateforme du refuge dominant le vallon verdoyant et les brumes des vallées! C'est ici qu'il fait encore le meilleur!!
On quitte le refuge un peu à regret mais faut bien descendre à un moment ou un autre. Les deux névés nous ont donné du fil à retordre.
Le premier, celui qui faisait un pont au-dessus du ruisseau, pont qu'on pris soin d'éviter, a fini par péter net après mon passage par contrepoids sans que l'on soit passé dessus pourtant : il a craqué par effet de fissures, à 3m de distance!! Impressionnant mais à la limite ça va faciliter et sécuriser le passage pour les autres.
Le second plus tassé et lisse que jamais redemandait de bonnes marches et surtout de bons piolets.
Ensuite ce fut la nebelwald profonde et verdoyante pour retrouver les près fleuris du hameau du Gleysin, cadre charmant même sous un ciel bien gris!
Merci à Sylvain pour m'avoir accompagné dans cette bien belle aventure alpine,
Texte et photos Nico Strider,
1 commentaire:
Cela fait plaisir de voir des sorties d'alpi.
Bravo à Visse pour ses premiers pas en couloir.
Merci à Strider de repousser encore plus loin les limites de l'infâme en matière d'expérience culinaire.....
LOL
Hydra
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