Photos : Hydra et Annapurna
Secteur : Mont Blanc, bassin de Talèfre
Participants : Annapurna, Karine et Hydra
Après avoir réussi cette fantastique traversée d’arête en plein ciel aux Dômes de Miage, Annapurna et moi discutons de la suite à donner à notre programme estival au pays du Mont Blanc.
Lors des préparatifs de nos vacances, nous avions parlé des 3 Monts (Mont du Tacul, Mont Maudit et Mont Blanc). C’est aujourd’hui une des voies les plus rapides pour atteindre le Mont Blanc, mais toutefois pas la moins technique.
Il y a un an, les mauvaises conditions météo et des décalages d’agenda m’avaient interdit ce sommet. Cette année, après avoir réservé au refuge des Cosmiques pour trois personnes avec Annapurna, il n’y avait plus qu’à croiser les doigts.
Malheureusement, le mardi, veille du départ, une perturbation traverse la Haute Savoie et laisse son cortège de flocons sur les sommets. Après avoir obtenu des informations auprès des autorités compétentes, Annapurna préfère choisir un autre secteur, afin d’éviter le risque récurrent d’avalanche dans les pentes du Tacul. C’est pourquoi il réserve au refuge du Couvercle. Du Couvercle, deux courses sont envisageables, soit la pointe Isabella, soit les Courtes (en aller / retour, ou en traversée).
Quoi qu’il en soit, après la déception de ce troisième renoncement au Mont Blanc, je suis tout de même très content d’envisager une course dans le bassin de Talèfre, car ce cirque glaciaire est situé en plein cœur du massif. Aller au Couvercle suppose aussi de prendre le train du Montenvers, de traverser la Mer de Glace et de voir les contreforts orientaux du Mont Blanc. En bref, de jolies perspectives de découvertes au cœur du royaume de Frison ROCHE….
Le jour du départ arrive enfin, mais nous sommes un peu en retard. Après quelques tentatives pour trouver une place de parking à Cham, chose de plus en plus difficile, car tous les bons spots gratuits disparaissent, selon les dires d’Annapurna, nous nous préparons, puis filons sans traîner vers la gare.
Il y a la foule des beaux jours à la gare. Nous laissons Karine et les sacs à côté d’un groupe sympathique de jeunes alpinistes le temps d’acheter les billets. Leur bonne humeur fait plaisir à voir et me donne un sacré coup de vieux tout d’un coup ! Au guichet, c’est le premier choc : 21 € l’aller / retour ! Il ne rigole pas à la compagnie du Mont Blanc ! Mais bon, tout mythe a un prix…
Une fois sur le quai, on découvre que les alpinistes ne font pas le poids parmi les touristes. Le plan d’Annapurna pour rattraper notre retard consiste à manger dans le train. Facile pour lui avec ses sandwichs au chorizo déjà tout prêt ! Plus dur pour Karine et moi, qui sommes tassés l’un contre l’autre sur la banquette, les sacs sur les genoux et qui n’avons de surcroît rien préparé. Très délicat de manger dans ces conditions…
Après le choc des euros à Cham, une fois arrivés au Montenvers, c’est le choc des photos ! Quelle photo ? Celle du Dru, pardi. Le profil arrondi que nous avions vu jusqu’à présent d’un satellite de l’aiguille Verte, laisse la place au profil d’une aiguille acérée nous surplombant redoutablement. Cette vision du Dru justifie à elle seule le voyage, quel spectacle inoubliable !
Une fois après avoir retrouvé mes esprits, et tirés quelques clichés du seigneur du lieu, nous laissons la foule en suivant le sentier qui se dirige vers la Mer de Glace. Autre bonne surprise, nous découvrons que les Grandes Jorasses sont toutes plâtrées ! Je suis personnellement ravi de ce spectacle.
Un peu plus bas, nous trouvons un coin tranquille pour casser la croûte. Annapurna, en profite pour terminer son dernier sandwich au chorizo. Je me demande si c’est une bonne idée, tout ce chorizo en montagne, sur le plan digestif ?….Visiblement inquiet face à mes doutes, Annapurna fait celui qui n’entend pas, et termine sa pitance.
Les bonnes choses ayant une fin, et toujours légèrement en retard, nous reprenons notre chemin vers le refuge. Quelle galère, encore des échelles ! Celle du refuge des Conscrits m’ont laissé un tel mauvais souvenir….Mais bon, celle de la Mer de Glace se négocient plutôt bien : on navigue entre plusieurs séries d’échelles jamais trop pénibles et de main courantes.
Une fois au sol, quel soulagement, l’aventure peut enfin commencer ! Nous sommes au niveau de la Mer de Glace, qui à cet endroit est recouverte de pierrailles. Nous nous faufilons à travers les méandres des crevasses en croisant les alpinistes qui rentrent de l’école de glace avec leur guide. Cela fait bizarre d’évoluer ainsi sur un glacier, sans crampons et sans corde…
Quelques centaines de mètres plus loin, les tourments de la Mer se font plus calmes. Il n’y a plus de crevasse et encore moins de pierraille. Nous évoluons directement sur de la glace vive que fait fondre les températures douces. Comme Annapurna a oublié sa bouteille d’eau à la voiture, nous partageons nos rations car il fait terriblement chaud. A tel point, que n’y tenant plus, Annapurna goûte l’eau d’un petit ruisseau qui serpente en surface de la Mer de Glace. Je goûte aussi par curiosité cette eau, qui se révèle de très bonne facture.
Au fil de nos pérégrinations sur la glace, nous croisons de vieux morceaux de câble, des bouts de bois de toute nature, des restes de bouteille…mais également des sommets prestigieux : la Dent du Géant, l’envers des Aiguilles, puis la Tour Ronde. J’ai vraiment l’impression de marcher dans un temple, avec la retenue qui sied à ces lieux.
La Tour Ronde et la cascade de séracs du glacier du Géant
Nous retrouvons à nouveau des pierrailles au niveau de la jonction du glacier de Leschaux avec celui du Géant. Quel pierrier ! Nous évoluons parmi des blocs de toute nature. Au loin, j’aperçois comme une marque sur le rocher. Peut être enfin les Egralets ? J’accélère le pas.Au bout d’un moment je m’aperçois que la marque en question est celle du refuge de Leschaux, et que les Egralets sont juste au dessus de ma tête. Je rattrape Annapurna et Karine au pied d’une nouvelle série d’échelles, qui ne sont pas sans nous remettre en mémoire celles des Conscrits !
La première est excessivement longue et se poursuit par une série de mains courantes et de passerelles assez vertigineuses. Comme de coutume, nous prenons le temps de mettre nos baudriers et nos casques au cas où. De toutes façons, nous avons tout le temps, car il y a pas mal de monde qui attend avant de monter ; en effet, le groupe de jeunes de la gare est devant nous et s’équipe également en vue de franchir ce passage délicat. Il y a parmi eux des filles, qui n’ont pas trop l’air de rigoler. Nous non plus du reste…
Votre serviteur dans le passage des échelles
Avec beaucoup de calme et de ténacité, nous venons à bout du morceau ! Petit à petit nous gagnons de l’altitude et le panorama sur les Grandes Jorasses se dévoile. J’arrive le premier au refuge du Couvercle. L’accueil des gardiens me surprend. « Vous êtes Savelli ? voilà les enquêtes ». Au début je ne comprends rien à cette histoire, puis je me rappelle qu’Annapurna réalise auprès des grands refuges de France tout une série de questionnaires.
Je ne sais pas si c’est cette enquête où les tas de consommations commandées, mais on a la côte auprès des gardiens. Au repas, ce sera triple ration….à moins que ce soit toujours comme ça ! Même Annapurna a eu du mal pour finir ses diots ! C’est dire. Tout fout le camp ma parole ! En discutant auprès des gardiens et en regardant l’état des couloirs menant aux Courtes, nous optons finalement pour la Pointe Isabella. D’ailleurs, apparemment, quasiment toutes les cordées y vont également.
Enfin le refuge du Couvercle
Je profite d’une éclaircie pour immortaliser le paysage : les Grandes Jorasses encore dans les nuages et la Pointe Isabella, bien évidemment. Après avoir préparé nos sacs, nous filons au dortoir. Ce dernier est tout petit avec ses 16 couchettes, ce qui promet, en théorie, une nuit potable….
L'ancien refuge du Couvercle
La pointe Isabella et ses deux arêtes de neige
A 3h, le réveil d’Annapurna sonne. Chacun allume sa frontale et prépare ses affaires. Pour gagner du temps, j’allume carrément la lumière du dortoir vu que tout le monde se lève.
Le petit déj’ avalé, le sac sur le dos, nous sortons du Couvercle. Il fait à peine frais. Nous nous concertons avec Annapurna sur le chemin à suivre, car aucun de nous ne le connait. Nous suivons machinalement au démarrage une autre cordée qui semble partir dans la bonne direction. Au loin, très haut vers les Courtes, des lueurs signalent la présence d’alpinistes partis bien plus tôt que nous.
La cordée qui nous précède est anglaise. Leur leader suit le sentier qui part vers l’EST puis il prend un sentier plein SUD alors qu’il me semble que notre sentier continue vers l’EST. Nous ne sommes pas les seuls à le suivre, derrière nous, une autre cordée nous emboîte le pas.
Tout d’un coup, l’Anglais s’arrête et cherche son chemin. Il me demande si nous allons à l’Isabella. Je lui répond que OUI et l’aide à retrouver le chemin, évanoui dans les éboulis.
Ce chemin est bien pénible. Il serpente dans un pierrier coincé entre des dalles rocheuses verticales. Plus bas, il oblique vers l’OUEST, à l’opposé de notre direction. Au bout d’une minute, je m’arrête car j’estime que l’on tire trop vers l’OUEST. En rebroussant chemin, Karine glisse sur une dalle horizontale détrempée.
Plus loin, au bord du ravin, on dirait qu’il y a un vague cairn. Mais on y voit très mal en pleine nuit. Personnellement j’ai du mal à croire que le sentier puisse passer sur le bord d’une dalle glissante rabotée par les glaciers, et je suis prêt à rebrousser chemin pour retrouver le sentier qui semblait continuer vers l’EST un peu plus haut. Avec courage, Annapurna s’approche tout de même et nous signale qu’il y a bien un cairn. Moment de flottements !
Effectivement, il y a bien un passage. En contournant un gros bloc, on évite le pas au bord du vide. Nous prévenons les autres cordées qui font demi-tour. N’empêche, de nuit, ce passage est sacrément scabreux. C’est une faille qui coupe la dalle rocheuse en deux. Elle est pleine de graviers humides et donc glissants. Annapurna descend prudemment. Je le rejoins ensuite. Secouée par sa glissade de tout à l’heure, Karine prend toutes ses précautions.
Nous sommes soulagés de trouver plus bas le glacier. Nous accélérons le pas afin de gagner le temps qu’il nous semble avoir perdu. En effet, un peu plus à l’EST, des cordées parties après nous semblent nous avoir devancé. Après avoir traversé la première langue glaciaire, nous rencontrons un nouveau pierrier….Nous cheminons un peu au hasard en suivant vaguement des lueurs dans les ténèbres. Plus loin, je pousse un cri de joie, il y a un cairn : nous ne sommes pas perdus !
De fil en aiguille, nous traversons le glacier de Talèfre et arrivons vraiment au niveau des premières difficultés, à proprement parlé. Première pente de glace en traversée…. Annapurna est quelques mètres devant. Je taille quelques marches pour mieux cramponner, puis redescend un peu afin de trouver une pente de neige bien plus accueillante. Nous rejoignons Annapurna alors que le jour se lève. Nous faisons une pause en nous équipant. Annapurna va désormais mener la danse, en tête, alors que moi, je fermerai plus tranquillement la marche . Les choses sérieuses (sic !) vont maintenant pouvoir vraiment commencer…
Pour débuter, nous enjambons quelques crevasses bien glauques puis cheminons de manière plus tranquille sur la rive droite du glacier. Nous sommes en tout une bonne petite dizaine de cordées. A mesure que nous gagnons de l’altitude le jour se lève sur la face EST du Mont Blanc. Quel spectacle ! Ce versant du Mont Blanc m’a toujours impressionné sur les photos que j’ai pu voir…en vrai, le colosse me donne l’impression d’une cathédrale : à la place des piliers, des pics acérés, à la place des voûtes, des arêtes effilées…quelle majesté !
Nous parvenons au niveau du petit plateau. C’est un des passages délicats de la course en théorie. Quand la rimaye ne passe pas, il faut faire un crochet par la gauche dans du mixte. Là, pas de problème, nous n’avons pas de détour à faire. Ce petit plateau sur lequel s’effondrent des séracs est un curieux endroit. Nous y faisons une petite pause. Il nous désormais reprendre des forces afin de négocier au mieux les difficultés les plus sérieuses de la course.
Pour gagner la première arête de neige, nous contournons une seconde rimaye. Cette première arête neigeuse, relativement horizontale débouche sur une section rocheuse assez raide (II) mais facile. Nous gardons les crampons et naviguons tant bien que mal parmi les quartzites et autres granites…et parvenons enfin au crux de la course, à savoir, la seconde arête de neige. Cette deuxième arête, plus raide (40°parfois), est relativement aérienne. La neige y est bien dure : impossible de tailler des marches, par contre on y cramponne relativement bien. Puis, petit à petit, l’arête s’évase sur une espèce de dôme moins soutenu, mais très esthétique. Derrière, c’est le grand désert. Quasiment toutes les cordées qui nous suivaient ont rebrousé chemin.
Quelques mètres encore, et nous atteignons la rimaye sommitale, vers 3700 mètres. Là, une cordée de trois personnes, se repose. Le guide qui la mène nous déconseille d’escalader les 60 derniers mètres où apparemment des feuillets n’attendent que nous pour tester les lois de la gravité. Sagement, nous faisons comme eux, et cassons une petite croûte au pied du Triolet. Le temps se charge quelque peu, mais rien d’alarmant pour le moment.
Dernières pentes de neige avant le sommet
A 3h, le réveil d’Annapurna sonne. Chacun allume sa frontale et prépare ses affaires. Pour gagner du temps, j’allume carrément la lumière du dortoir vu que tout le monde se lève.
Le petit déj’ avalé, le sac sur le dos, nous sortons du Couvercle. Il fait à peine frais. Nous nous concertons avec Annapurna sur le chemin à suivre, car aucun de nous ne le connait. Nous suivons machinalement au démarrage une autre cordée qui semble partir dans la bonne direction. Au loin, très haut vers les Courtes, des lueurs signalent la présence d’alpinistes partis bien plus tôt que nous.
La cordée qui nous précède est anglaise. Leur leader suit le sentier qui part vers l’EST puis il prend un sentier plein SUD alors qu’il me semble que notre sentier continue vers l’EST. Nous ne sommes pas les seuls à le suivre, derrière nous, une autre cordée nous emboîte le pas.
Tout d’un coup, l’Anglais s’arrête et cherche son chemin. Il me demande si nous allons à l’Isabella. Je lui répond que OUI et l’aide à retrouver le chemin, évanoui dans les éboulis.
Ce chemin est bien pénible. Il serpente dans un pierrier coincé entre des dalles rocheuses verticales. Plus bas, il oblique vers l’OUEST, à l’opposé de notre direction. Au bout d’une minute, je m’arrête car j’estime que l’on tire trop vers l’OUEST. En rebroussant chemin, Karine glisse sur une dalle horizontale détrempée.
Plus loin, au bord du ravin, on dirait qu’il y a un vague cairn. Mais on y voit très mal en pleine nuit. Personnellement j’ai du mal à croire que le sentier puisse passer sur le bord d’une dalle glissante rabotée par les glaciers, et je suis prêt à rebrousser chemin pour retrouver le sentier qui semblait continuer vers l’EST un peu plus haut. Avec courage, Annapurna s’approche tout de même et nous signale qu’il y a bien un cairn. Moment de flottements !
Effectivement, il y a bien un passage. En contournant un gros bloc, on évite le pas au bord du vide. Nous prévenons les autres cordées qui font demi-tour. N’empêche, de nuit, ce passage est sacrément scabreux. C’est une faille qui coupe la dalle rocheuse en deux. Elle est pleine de graviers humides et donc glissants. Annapurna descend prudemment. Je le rejoins ensuite. Secouée par sa glissade de tout à l’heure, Karine prend toutes ses précautions.
Nous sommes soulagés de trouver plus bas le glacier. Nous accélérons le pas afin de gagner le temps qu’il nous semble avoir perdu. En effet, un peu plus à l’EST, des cordées parties après nous semblent nous avoir devancé. Après avoir traversé la première langue glaciaire, nous rencontrons un nouveau pierrier….Nous cheminons un peu au hasard en suivant vaguement des lueurs dans les ténèbres. Plus loin, je pousse un cri de joie, il y a un cairn : nous ne sommes pas perdus !
De fil en aiguille, nous traversons le glacier de Talèfre et arrivons vraiment au niveau des premières difficultés, à proprement parlé. Première pente de glace en traversée…. Annapurna est quelques mètres devant. Je taille quelques marches pour mieux cramponner, puis redescend un peu afin de trouver une pente de neige bien plus accueillante. Nous rejoignons Annapurna alors que le jour se lève. Nous faisons une pause en nous équipant. Annapurna va désormais mener la danse, en tête, alors que moi, je fermerai plus tranquillement la marche . Les choses sérieuses (sic !) vont maintenant pouvoir vraiment commencer…
Pour débuter, nous enjambons quelques crevasses bien glauques puis cheminons de manière plus tranquille sur la rive droite du glacier. Nous sommes en tout une bonne petite dizaine de cordées. A mesure que nous gagnons de l’altitude le jour se lève sur la face EST du Mont Blanc. Quel spectacle ! Ce versant du Mont Blanc m’a toujours impressionné sur les photos que j’ai pu voir…en vrai, le colosse me donne l’impression d’une cathédrale : à la place des piliers, des pics acérés, à la place des voûtes, des arêtes effilées…quelle majesté !
Nous parvenons au niveau du petit plateau. C’est un des passages délicats de la course en théorie. Quand la rimaye ne passe pas, il faut faire un crochet par la gauche dans du mixte. Là, pas de problème, nous n’avons pas de détour à faire. Ce petit plateau sur lequel s’effondrent des séracs est un curieux endroit. Nous y faisons une petite pause. Il nous désormais reprendre des forces afin de négocier au mieux les difficultés les plus sérieuses de la course.
Pour gagner la première arête de neige, nous contournons une seconde rimaye. Cette première arête neigeuse, relativement horizontale débouche sur une section rocheuse assez raide (II) mais facile. Nous gardons les crampons et naviguons tant bien que mal parmi les quartzites et autres granites…et parvenons enfin au crux de la course, à savoir, la seconde arête de neige. Cette deuxième arête, plus raide (40°parfois), est relativement aérienne. La neige y est bien dure : impossible de tailler des marches, par contre on y cramponne relativement bien. Puis, petit à petit, l’arête s’évase sur une espèce de dôme moins soutenu, mais très esthétique. Derrière, c’est le grand désert. Quasiment toutes les cordées qui nous suivaient ont rebrousé chemin.
Quelques mètres encore, et nous atteignons la rimaye sommitale, vers 3700 mètres. Là, une cordée de trois personnes, se repose. Le guide qui la mène nous déconseille d’escalader les 60 derniers mètres où apparemment des feuillets n’attendent que nous pour tester les lois de la gravité. Sagement, nous faisons comme eux, et cassons une petite croûte au pied du Triolet. Le temps se charge quelque peu, mais rien d’alarmant pour le moment.
Dernières pentes de neige avant le sommet
Le Triolet et la vue côté Italien
Panorama : La Verte, les Droites, les Courtes, puis le Chardonnet et l'aiguille d'Argentière
Photo ci dessous : le sommet !
Les meilleurs moment ayant une fin, nous entamons la descente. Fermant la cordée à la montée, je dois la mener à la descente: l'immensité du bassin de Talèfre est saisissante. La vue du dôme vers l’arête est impressionnante. La neige dure s’est un peu ramollie en surface, ce qui complique le cramponnage. A droite, c’est le vide vers les rimayes du petit plateau. A gauche, c’est une pente de neige qui débouche sur des rochers peu engageants... Ce n’est pas le moment de déraper.
Cette descente s’effectue avec une grande attention de la part des trois membres de notre cordée. Techniquement, avec aussi peu d’adhérence dans un passage aussi dangereux, je préfère poser mes crampons de manière transversale, avec mon piolet canne en guise d’appui. Seulement, toute cette crispation dans les mêmes muscles des jambes m’impose de changer de côté en chargeant d’abord l’autre pied, histoire d’alterner.
En plein effort, mon esprit imagine les conséquences d’une hypothétique glissade. Un bref instant je visualise notre cordée en pleine chute, voltigeant avec les crampons, les piolet et la corde qui s’entremêlent, se fracassant sur les rochers plus bas. Comme je ne suis pas le seul à envisager ce cas de figure, nous redoublons d’attention.
Inutile de dire que les derniers mètres de l’arête ont été musculairement et nerveusement, un véritable calvaire, et se sont accomplis dans une tension extrême. C’est avec un énorme soulagement que nous parvenons enfin à la section rocheuse. Nous y faisons une bonne pause afin de nous reposer. La désescalade prudente nous remet les idées en place. Nous parvenons à la dernière arête. Celle-ci nous paraît débonnaire. Nous traversons les deux rimayes et quittons avec soulagement le petit plateau. A partir de maintenant, le gros des dangers semble écarté. Nous pouvons souffler un peu.
Photo ci dessous : le sommet !
Les meilleurs moment ayant une fin, nous entamons la descente. Fermant la cordée à la montée, je dois la mener à la descente: l'immensité du bassin de Talèfre est saisissante. La vue du dôme vers l’arête est impressionnante. La neige dure s’est un peu ramollie en surface, ce qui complique le cramponnage. A droite, c’est le vide vers les rimayes du petit plateau. A gauche, c’est une pente de neige qui débouche sur des rochers peu engageants... Ce n’est pas le moment de déraper.
Cette descente s’effectue avec une grande attention de la part des trois membres de notre cordée. Techniquement, avec aussi peu d’adhérence dans un passage aussi dangereux, je préfère poser mes crampons de manière transversale, avec mon piolet canne en guise d’appui. Seulement, toute cette crispation dans les mêmes muscles des jambes m’impose de changer de côté en chargeant d’abord l’autre pied, histoire d’alterner.
En plein effort, mon esprit imagine les conséquences d’une hypothétique glissade. Un bref instant je visualise notre cordée en pleine chute, voltigeant avec les crampons, les piolet et la corde qui s’entremêlent, se fracassant sur les rochers plus bas. Comme je ne suis pas le seul à envisager ce cas de figure, nous redoublons d’attention.
Inutile de dire que les derniers mètres de l’arête ont été musculairement et nerveusement, un véritable calvaire, et se sont accomplis dans une tension extrême. C’est avec un énorme soulagement que nous parvenons enfin à la section rocheuse. Nous y faisons une bonne pause afin de nous reposer. La désescalade prudente nous remet les idées en place. Nous parvenons à la dernière arête. Celle-ci nous paraît débonnaire. Nous traversons les deux rimayes et quittons avec soulagement le petit plateau. A partir de maintenant, le gros des dangers semble écarté. Nous pouvons souffler un peu.
La pente au niveau de la seconde arête, assez raide et aérien !
Karine et Annapurna, à la descente sur la première arête
Notre répit ne sera que de courte durée. Un bruit inquiétant surgit de la vallée. Ce sont deux hélicoptères du PGHM qui remontent la Mer de Glace et le cirque de Talèfre à toute vitesse. Il nous survolent, puis le premier hélico disparaît à droite, au dessus des Courtes, en direction du bassin d’Argentière. Quant à lui, le second fait du vol stationnaire au dessus du couloir des Courtes. Il y a eu manifestement un accident à cet endroit.
L’hélico disparaît un moment derrière un éperon puis dépose plus bas sur un névé un brancard et un sauveteur. Puis il repart aussitôt en direction des Courtes. Après un hélitreuillage, il file vers Cham.
Quelques centaines de mètre plus bas, l’hélico réapparaît et file à nouveau vers les Courtes. Nouvel hélitreuillage et nouvelle disparition vers Cham. Je suis de plus en plus mal à l’aise. Je me demande ce qui se passe sur le névé plus bas. Intérieurement, j’imagine le pire. Je ne vois pas quelle raison pousserait l’hélico à délaisser le brancard et le type sur le névé. S’agit-il d’un brancard vide et d’un alpiniste en difficulté redescendu ici en attendant l’évacuation des blessés ? Où plus grave, y a-t-il un corps pour lequel il n’y a plus aucun espoir dans le brancard ?
Troisième hélitreuillage. L’accident à l’air très sérieux. Je hâte un peu plus le pas pour en finir. Cette fin de glacier est grise et austère. L’hélico lui apporte une touche sinistre qui n’est pas sans me rappeler l’accident au Ecrins de l’année précédente. A bout de nerf, Karine râle et me demande de ralentir. Au même moment, un petit éboulement, nous coupe la route, soixante mètre devant nous. La dernière pente de glace vive sera un véritable supplice. Puis c’est la véritable délivrance : le pierrier !
Nous nous décordons et discutons le bout de gras avec d’autres alpinistes arrêtés là. Puis sans trop traîner, nous cherchons notre chemin de retour pour gagner le refuge du Couvercle. Nous cheminons laborieusement, chacun perdu dans ses pensées.Puis grâce à une petite langue neigeuse, nous fonçons avec plaisir, à travers le pierrier. Plus loin, nous sommes stoppés par un torrent en plein milieu du glacier. Il faut se hasarder sur un bloc coincé pour traverser le torrent, qui constitue un bien curieux gué. Gloups !
Notre répit ne sera que de courte durée. Un bruit inquiétant surgit de la vallée. Ce sont deux hélicoptères du PGHM qui remontent la Mer de Glace et le cirque de Talèfre à toute vitesse. Il nous survolent, puis le premier hélico disparaît à droite, au dessus des Courtes, en direction du bassin d’Argentière. Quant à lui, le second fait du vol stationnaire au dessus du couloir des Courtes. Il y a eu manifestement un accident à cet endroit.
L’hélico disparaît un moment derrière un éperon puis dépose plus bas sur un névé un brancard et un sauveteur. Puis il repart aussitôt en direction des Courtes. Après un hélitreuillage, il file vers Cham.
Quelques centaines de mètre plus bas, l’hélico réapparaît et file à nouveau vers les Courtes. Nouvel hélitreuillage et nouvelle disparition vers Cham. Je suis de plus en plus mal à l’aise. Je me demande ce qui se passe sur le névé plus bas. Intérieurement, j’imagine le pire. Je ne vois pas quelle raison pousserait l’hélico à délaisser le brancard et le type sur le névé. S’agit-il d’un brancard vide et d’un alpiniste en difficulté redescendu ici en attendant l’évacuation des blessés ? Où plus grave, y a-t-il un corps pour lequel il n’y a plus aucun espoir dans le brancard ?
Troisième hélitreuillage. L’accident à l’air très sérieux. Je hâte un peu plus le pas pour en finir. Cette fin de glacier est grise et austère. L’hélico lui apporte une touche sinistre qui n’est pas sans me rappeler l’accident au Ecrins de l’année précédente. A bout de nerf, Karine râle et me demande de ralentir. Au même moment, un petit éboulement, nous coupe la route, soixante mètre devant nous. La dernière pente de glace vive sera un véritable supplice. Puis c’est la véritable délivrance : le pierrier !
Nous nous décordons et discutons le bout de gras avec d’autres alpinistes arrêtés là. Puis sans trop traîner, nous cherchons notre chemin de retour pour gagner le refuge du Couvercle. Nous cheminons laborieusement, chacun perdu dans ses pensées.Puis grâce à une petite langue neigeuse, nous fonçons avec plaisir, à travers le pierrier. Plus loin, nous sommes stoppés par un torrent en plein milieu du glacier. Il faut se hasarder sur un bloc coincé pour traverser le torrent, qui constitue un bien curieux gué. Gloups !
Le ruisseau sur le glacier
Nouvelle section glaciaire afin d’arriver au pied du refuge. Nous butons sur le système de dalles qui nous avait tant embêté dans la nuit. De jour, aucun chemin n’est vraiment visible. Après la galère du matin, le même scénario semble se répéter... Comble de l’ironie, je retombe sur le même couple d’Anglais qui cherche à nouveau le bon chemin; je me demande où ils étaient passés ces deux là ! Je scrute avec curiosité le passage scabreux du matin. Mais le pire, c’est que je ne vois pas de meilleur chemin! Ce qui est étonnant, car à droite du système de dalles, il y a un pierrier bien terreux, qui devrait offrir théoriquement un cheminement plus aisé. Après quelques minutes de tergiversations, je me résout à tenter l’aventure dans une sente terreuse qui est, en fait, un fond de ruisseau bien aguicheur. J’y progresse facilement au départ, puis m’embourbe dans un passage de dry tooling terreux et scabreux. Je gagne quelques mètres et aperçois plus à droite une corde. Ca doit être forcément le bon passage. Je fais signe à Annapurna et à Karine de passer plus à droite, ce qu’ils s’empressent de faire. Je fais signe aux Anglais de couper également vers la corde. En effet, les derniers mètre gagnés l’ont été au prix d’un effort incroyable. Piégé dans cette tranchée terreuse raide et débouchant sur une dalle, je ne m’en sors que grâce à mon piolet. Ouf, c’est fini !
La mythique Aiguille Verte et son célèbre couloir Whymper !
Mais la voie normale qu’emprunte Annapurna et Karine est loin d’être une sinécure. La corde permet en fait d’assurer un autre passage de dalle. Quelle galère ce chemin! Plus haut, petit passage d’escalade. Je m’imagine mal à 4 heures du mat en train de descendre par là…Un truc de fous ! Le gardien me dira un peu plus tard, qu’un Italien, levé à la même heure que nous, n’a pas trouvé le bon passage avant 7 H du matin….autant dire que cela a dû être difficile pour lui de continuer sa course.
En vue du refuge, l’hélico réapparaît. Il file vers le névé puis vers le refuge d’où il repart aussitôt. C’est au refuge que nous apprendrons la vérité macabre. Deux alpinistes se sont tués à la descente des Courtes : les deux cordées formées des cinq jeunes de la veille, ont eu un pépin dans la descente qui a causé deux décès et un blessé grave. Nous sommes abasourdis par cette annonce. Le fait d’avoir côtoyé les victimes, même un bref moment, et le fait d’avoir envisagé également cet itinéraire nous laisse dans le trouble.
Dans de tels moments, la joie de la sortie disparaît et la montagne revêt ses habits les plus sombres. Cependant, la descente doit continuer. Il est déjà 14H30, il nous reste à peine 4 heures pour redescendre au Montenvers. C’est, en plus, la course contre la montre pour espérer avoir le dernier train. Très stressant comme situation.
Avec Karine sur les rotules, Annapurna handicapé par son genou dans les descentes et les deux passages d’échelle, propices aux pertes de temps, j’ai beaucoup de mal à être optimiste.Mais finalement, la montagne nous laissera ce répit et nous parviendrons à temps au Montenvers. Grâce à notre marche forcée, nous sommes même un peu en avance. Nous en profitons pour vider nos dernières rations et nous débarbouiller un peu, car nous comprenons aux regards des touristes que nous devons avoir de drôles de tête ; ce qui, soyons honnêtes, n’est pas la première de nos préoccupations.
Nouvelle section glaciaire afin d’arriver au pied du refuge. Nous butons sur le système de dalles qui nous avait tant embêté dans la nuit. De jour, aucun chemin n’est vraiment visible. Après la galère du matin, le même scénario semble se répéter... Comble de l’ironie, je retombe sur le même couple d’Anglais qui cherche à nouveau le bon chemin; je me demande où ils étaient passés ces deux là ! Je scrute avec curiosité le passage scabreux du matin. Mais le pire, c’est que je ne vois pas de meilleur chemin! Ce qui est étonnant, car à droite du système de dalles, il y a un pierrier bien terreux, qui devrait offrir théoriquement un cheminement plus aisé. Après quelques minutes de tergiversations, je me résout à tenter l’aventure dans une sente terreuse qui est, en fait, un fond de ruisseau bien aguicheur. J’y progresse facilement au départ, puis m’embourbe dans un passage de dry tooling terreux et scabreux. Je gagne quelques mètres et aperçois plus à droite une corde. Ca doit être forcément le bon passage. Je fais signe à Annapurna et à Karine de passer plus à droite, ce qu’ils s’empressent de faire. Je fais signe aux Anglais de couper également vers la corde. En effet, les derniers mètre gagnés l’ont été au prix d’un effort incroyable. Piégé dans cette tranchée terreuse raide et débouchant sur une dalle, je ne m’en sors que grâce à mon piolet. Ouf, c’est fini !
La mythique Aiguille Verte et son célèbre couloir Whymper !
Mais la voie normale qu’emprunte Annapurna et Karine est loin d’être une sinécure. La corde permet en fait d’assurer un autre passage de dalle. Quelle galère ce chemin! Plus haut, petit passage d’escalade. Je m’imagine mal à 4 heures du mat en train de descendre par là…Un truc de fous ! Le gardien me dira un peu plus tard, qu’un Italien, levé à la même heure que nous, n’a pas trouvé le bon passage avant 7 H du matin….autant dire que cela a dû être difficile pour lui de continuer sa course.
En vue du refuge, l’hélico réapparaît. Il file vers le névé puis vers le refuge d’où il repart aussitôt. C’est au refuge que nous apprendrons la vérité macabre. Deux alpinistes se sont tués à la descente des Courtes : les deux cordées formées des cinq jeunes de la veille, ont eu un pépin dans la descente qui a causé deux décès et un blessé grave. Nous sommes abasourdis par cette annonce. Le fait d’avoir côtoyé les victimes, même un bref moment, et le fait d’avoir envisagé également cet itinéraire nous laisse dans le trouble.
Dans de tels moments, la joie de la sortie disparaît et la montagne revêt ses habits les plus sombres. Cependant, la descente doit continuer. Il est déjà 14H30, il nous reste à peine 4 heures pour redescendre au Montenvers. C’est, en plus, la course contre la montre pour espérer avoir le dernier train. Très stressant comme situation.
Avec Karine sur les rotules, Annapurna handicapé par son genou dans les descentes et les deux passages d’échelle, propices aux pertes de temps, j’ai beaucoup de mal à être optimiste.Mais finalement, la montagne nous laissera ce répit et nous parviendrons à temps au Montenvers. Grâce à notre marche forcée, nous sommes même un peu en avance. Nous en profitons pour vider nos dernières rations et nous débarbouiller un peu, car nous comprenons aux regards des touristes que nous devons avoir de drôles de tête ; ce qui, soyons honnêtes, n’est pas la première de nos préoccupations.
A Chamonix, nous retrouvons avec plaisir la Clio d’Annapurna et enlevons nos chaussures avec délectation…toujours le meilleur moment après une course en montagne. La route du retour au camping nous apparaît bien longue, surtout à St Gervais où il y a un bel embouteillage ! Après nous avoir gentiment déposé à notre camping de la Demi Lune, Annapurna, lui aussi, retrouvera finalement à Chambéry son nid douillet auprès de sa tendre et douce. Ce qui met la touche finale à cette aventure épique mais tristement dramatique.
A bientôt pour de nouvelles aventures !
2 commentaires:
Oui, drôle de course ! Un bien étrange mélange de sentiments avec au final une saveur peu agréable. Un mélange de tristesse, de tension et de bonheur, on ne sait quoi en retenir. Quand même, le dernier brancard enlevé 20 mètres devant nous quand on se déséquipe, ça prend aux tripes, c'est terrible...
Pour finir sur une note plus "positive" (sauf pour le concerné), l'italien est revenu au refuge à 7 heures alors qu'il était parti à 4 heures... mais parce qu'il n'a jamais réussi à descendre sur le glacier de Talèfre tellement c'est merdique et dur à trouver. Distance refuge falaise : 200 mètres environ...!!!
Alors, conclusion et à la fois conseil du jour que j'appliquerai dorénavant avec plus de sérieux : quand vous ne connaissez pas, repérez votre chemin la veille au soir, ça vous évitera une bonne prise de tête...!!!
Annapurna
C'est sûr qu'il serait souhaitable de repérer la marche d'approche nocturne, surtout si l'on sait que cette dernière est piégeuse.
Mais bon, avec la fatigue, entre boire une bière au refuge ou repartir crapahuter, le choix est parfois difficile..
LOL
HYDRA
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