Un peu de karstologie à Choranche

Toute la puissance des très compactes falaises de Presles, l'archétype de la barre calcaire urgonienne subalpine! Harmonie de couleur, verticalité tranchante, telle est l'ambiance saisissante de ces lieux

Aujourd'hui pas de sport en perspective, mais du contemplatif, ou dirons-nous de l'intellectuel, dans ce module de recherche universitaire dont je vous propose un petit portfolio. Le labo EDYTEM nous présente en parrallèle le processus tumultueux de classement du site et les richesses karstologiques -mais pas seulement -qu'on y trouve. Comment additionner l'homme qui fait de la nature un patrimoine et la connaissance des systèmes karstiques eux-mêmes, ou comment la science participe à la patrimonialisation et complète l'esthétique.

Les falaises de Presles dominent les gorges de la Bourne, assez spectaculaires.

Le site des grottes de Choranche (dont une est touristique) est au creux d'un cirque, calées sur une faille tectonique qui joue un rôle important dans l'organisation du réseau karstique à l'intérieur de la terre : l'eau exploite les fissures, la fragilité de la roche calcaire, et la dissous lentement, dans son passage.

La grotte du haut, partiellement noyée, avec un débit déjà bien costaud.

La particularité de cette cascade en aval de la dite grotte et qu'elle est sur un lit qu'elle a formé à cet endroit : un lit de tuf, dépôt de calcite. Le fracas favorise l'expulsion en gaz de l'acide carbonique qui permettait la dissolution de la calcite dans l'eau et du coup la calcite décante et se pose.

Gros débit en ce jour.

Toujours les falaises urgoniennes en arrière plan.

Voilà à quoi ressemble le tuf, cela a un aspect un peu conglomératique, fait de calcite : des dépôts sucessifs

Nous voilà dans la grotte principale, qui en temps normal est touristique. Les 3 propriétaires qui avaient fait l'acquisition de la grotte dans les années 60 étaient des spéléologues de la région et c'est un peu dans un souci de bonne conservation que la grotte est mise en valeur : pas d'aménagement superflu et une volonté de pédagogie avant tout. Et surtout, une protection des concrétions pour éviter les mains indélicates des gens qui viennent en pilleur.

La spécificité de Choranche, c'est ça :

Les fistuleuses. Un petit tube de calcite, en forme de macaronie avec une goutte au bout qui met du temps à tomber et qui laisse à son passage un petit anneau de calcite pour oeuvrer l'édifice fragile. C'est la concrétion la plus précieuse à conserver, avec les excentriques et l'aragonite.

Le concrétionnement à Choranche est important et c'est rare dans des karsts de montagne où il fait souvent trop froid, où les régimes sont trop extrèmes et instables pour que le travail de concrétionnement ne soit pas perturbé. Mais là c'est un vrai spectacle.

Dans l'intimité des fistuleuses.

Chou-fleur de calcite sur une stalagmite de près de 30-40 000ans

Où la stalagmite rejoint la stalagtite, on appelle ça une colonne stalagmitique.

Drôle de concrétionnement

On dirait de la moissisure mais il s'agit toujours de dépôts de calcite

Regardez comme les fistuleuses s'alignent sur de très minces fissures où l'eau percole très lentement. C'est une magie qui ne tient pas à grand chose.


Et ça dépose aussi ensuite le long du mur avec éventuellement l'influence d'un courant d'air qui va perturber le tracé du concrétionnement


Dans le réseau d'au-dessus, il y a une cascade et à ses pieds un très beau lac, assez haut en ce jour. La salle est presque entièrement concrétionnée!

Envahi par la calcite!

Allez, on terminera le portfolio par cette stalagmite plutôt archétypale, mais ô combien jolie.

Texte et photos Nico Strider,